par Clémence B. et Léa C.
2)La fondation de l’Illustre-Théâtre
3.1 La mise-en-scène
3.2 Adaptations
1) Biographie
Molière, de son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, est né à Paris le 15 janvier 1622. Ses parents étaient des marchands réputés : son père était tapissier du roi. Issu d’une famille aisée, il effectue sa scolarité dans des établissements de renom. Il fait ensuite des études de droit afin de devenir avocat, mais préfère finalement fonder sa propre troupe de théâtre (L’Illustre-Théâtre). C’est à ce moment qu’il prend le pseudonyme de Molière. A cette époque, les comédiens étaient excommuniés (ils étaient exclus de la religion catholique) et n’avaient donc pas le droit d’être enterrés. Molière fait partie du mouvement littéraire du classicisme.
2) La fondation de l’Illustre-Théâtre
Pour fonder l’Illustre-Théâtre en 1643, il s’associe à une dizaine de personnes, dont la comédienne Madeleine Béjart (célèbre comédienne française du XVIIème siècle), mais ils ne connaissent pas le succès attendu dans le grand Paris. Durant ces années d’itinérance accompagnée de difficultés financières, Molière commence à écrire ses premières comédies. Il retourne à Paris en 1658 et prend vite la tête de sa troupe. Cette troupe donne des représentations privées chez de grands seigneurs, devant la Cour. Le bon accueil fait à ses comédies (Le Médecin volant, Le Docteur amoureux…), lui permet de partager la salle du Palais-Royal avec d’autres comédiens. La célébrité survient dès 1659, avec le brillant succès des Précieuses ridicules, qui permet pour la première fois à Molière d’éditer son texte. Suite à cette réussite, les créations se succèdent à un rythme soutenu. Sous la protection de Louis XIV, Molière devient très vite le fournisseur des fêtes de la Cour, associant généralement comédie, musique et ballets. Cependant, ses audaces d’auteur qui désirent « corriger les mœurs par le rire », donnent lieu à de nombreuses dissensions. En effet, on dit que Molière est le peintre de son temps, notamment de la bourgeoisie, dont il dénonce les défauts. En suivant ces thèmes, il crée une longue liste de personnages, tels qu’Harpagon, Tartuffe, Dom Juan, Sganarelle, Le Bourgeois gentilhomme, dont les noms demeurent, encore aujourd’hui, célèbres. Ses pièces continuent donc, de nos jours, d’être jouées et étudiées : des comédies à grand spectacle telles que L’École des femmes(1662), Le Bourgeois gentilhomme (1670), des comédies où il dépeint les mœurs de l’être humain, comme Le Misanthrope (1666), L’Avare (1668), des farces telles que Les Fourberies de Scapin (1671) ou bien encore des comédies satiriques comme Les Femmes savantes (1672).
3) L’École des femmes
L’École des femmes, créée en 1662, est considérée comme la première « grande comédie » de Molière. Elle est représentée un an après la farce L’École des maris avec laquelle elle est souvent comparée en raison de multiples points communs. L’intrigue est en effet similaire, mais il y a une rupture entre les deux pièces : contrairement à la farce, L’École des femmes est une comédie en cinq actes et écrite en rimes et en vers, plus précisément en alexandrins. L’alexandrin est un vers composé de douze syllabes, très utilisé à cette époque car considéré comme très noble. La comédie répond également à la règle des trois unités : l’action est unique puisqu’elle tourne autour d’Arnolphe qui veut se marier au plus vite, avec des rebondissements créés par les récits des autres personnages et a lieu en une journée, dans l’unique lieu d’une place publique de ville.[1] Inspiré par la commedia dell’arte et la farce française, Molière crée des types comiques qui se développent au fur et à mesure de ses pièces. Arnolphe, le personnage principal de L’École des femmes, incarne une version plus aboutie du personnage du cocu qui apparaît par exemple dans Sganarelle ou le cocu imaginaire (1660). Dans cette pièce, les personnages gagnent en profondeur et en complexité. Dans la réalité de l’époque, elle soulève des questions sur l’amour et le mariage, qui est avant tout encore une alliance économique et sociale.
3.1 La mise-en-scène
L’École des femmes met en scène un homme assez âgé (Arnolphe ou se faisant aussi appeler M. de La Souche pour s’anoblir) qui souhaiterait se marier mais craint trop d’être trompé. C’est pourquoi il voudrait épouser la jeune Agnès qu’il a recueillie quand elle avait quatre ans et qu’il a choisi de faire élever au sein d’un couvent et dans l’ignorance. Horace, fils d’un des amis d’Arnolphe, raconte à ce dernier qu’il est tombé amoureux d’une jeune fille qu’il a pu courtiser alors que son tuteur, M. de La Souche, était parti en voyage. Horace ignore évidemment qu’Arnolphe est aussi ce tuteur et M. de La Souche. Suite à cela, Arnolphe décide de précipiter son mariage avec Agnès le jour même. Des scènes de quiproquos et de farces rythment la pièce, le barbon hanté par le cocufiage est ridiculisé et les deux jeunes amants finissent par se marier.
Cette pièce de théâtre connait un léger échec lors de sa première représentation avant de devenir un grand succès. En revanche, elle choque donc fait également naître la polémique et crée de nombreux débats en raison du caractère libertin de certains passages. Molière répond aux critiques et se justifie avec une nouvelle comédie l’année suivante, intitulée La Critique de l’école des femmes. Il y rappelle que ses buts premiers sont toujours le rire et le divertissement et qu’ils constituent la seule règle à laquelle il obéit.
3.2 Adaptations
La pièce, représentée pour la première fois le 26 décembre 1662, a connu d’innombrables adaptations. Une des mises en scène les plus connues est celle de Jean-Paul Roussillon à la Comédie-Française en 1973, avec Isabelle Adjani, dont c’est la première apparition, très marquante, sur scène, et Pierre Dux ou Michel Aumont respectivement dans les rôles d’Agnès et d’Arnolphe (une courte vidéo ainsi que des informations sur la mise en scène sont disponibles sur le site de l’Ina, Institut national de l’audiovisuel : https://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes00276/l-ecole-des-femmes-mise-en-scene-par-jean-paul-roussillon-a-la-comedie-francaise.html.
Références bibliographiques:
4) Analyse: L’École des Femmes
Extrait d’analyse: scène 2, acte III
ARNOLPHE, assis:
Agnès, pour m’écouter, laissez là votre ouvrage.
Levez un peu la tête et tournez le visage :
Là, regardez-moi là durant cet entretien,
Et jusqu’au moindre mot imprimez-le-vous bien.
Je vous épouse, Agnès ; et cent fois la journée
Vous devez bénir l’heur de votre destinée,
Contempler la bassesse où vous avez été,
Et dans le même temps admirer ma bonté,
Qui de ce vil état de pauvre villageoise
Vous fait monter au rang d’honorable bourgeoise
Et jouir de la couche et des embrassements
D’un homme qui fuyoit tous ces engagements,
Et dont à vingt partis, fort capables de plaire,
Le coeur a refusé l’honneur qu’il vous veut faire.
Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux.
Le peu que vous étiez sans ce noeud glorieux,
Afin que cet objet d’autant mieux vous instruise
A mériter l’état où je vous aurai mise,
A toujours vous connoître, et faire qu’à jamais
Je puisse me louer de l’acte que je fais.
Le mariage, Agnès, n’est pas un badinage :
A d’austères devoirs le rang de femme engage,
Et vous n’y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n’est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu’on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n’ont point d’égalité :
L’une est moitié suprême et l’autre subalterne ;
L’une en tout est soumise à l’autre qui gouverne ;
Et ce que le soldat, dans sons devoir instruit,
Montre d’obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
A son supérieur le moindre petit Frère,
N’approche point encor de la docilité,
Et de l’obéissance, et de l’humilité,
Et du profond respect où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur et son maître.
Lorsqu’il jette sur elle un regard sérieux,
Son devoir aussitôt est de baisser les yeux,
Et de n’oser jamais le regarder en face
Que quand d’un doux regard il lui veut faire grâce.
C’est ce qu’entendent mal les femmes d’aujourd’hui ;
Mais ne vous gâtez pas sur l’exemple d’autrui.
Gardez-vous d’imiter ces coquettes vilaines
Dont par toute la ville on chante les fredaines,
Et de vous laisser prendre aux assauts du malin,
C’est-à-dire d’ouïr aucun jeune blondin.
Songez qu’en vous faisant moitié de ma personne,
C’est mon honneur, Agnès, que je vous abandonne ;
Que cet honneur est tendre et se blesse de peu ;
Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu ;
Et qu’il est aux enfers des chaudières bouillantes
Où l’on plonge à jamais les femmes mal vivantes.
Ce que je vous dis là ne sont pas des chansons ;
Et vous devez du coeur dévorer ces leçons.
Analyse
Représentée pour la première fois en 1662, la pièce de théâtre L’Écolde des femmes de Molière a autant connu le succès qu’elle a suscité de polémiques. En effet, quelques scènes ont été rapidement considérées comme choquantes et immorales. Louis XIV exerçait la monarchie absolue à cette époque : les droits des femmes étaient alors très restreints et elles étaient avant tout circonscrites à leur rôle d’épouse. Nous allons nous intéresser particulièrement à la scène 2 de l’acte III. Par le biais d’Horace, Arnolphe vient d’apprendre que celui-ci a réussi à séduire Agnès. Il lui annonce donc au début de l’Acte III, qu’il est lui-même son futur époux. Suite à son échec, Arnolphe reste dans le déni et continue à s’obstiner en imposant de plus en plus de limites à Agnès, il décide même à cette dernière d’interdire de revoir Horace. Nous allons démontrer en quoi cette scène reflète la réalité sociale du mariage à laquelle les femmes étaient confrontées à l’époque de Molière.
Tout d’abord, la scène 2 de l’acte III de L’École des femmes dépeint Arnolphe comme un tyran obsédé par Agnès, essayant par tous les moyens d’empêcher que cette dernière ne lui échappe. En effet, dans les deux premiers actes, Arnolphe s’était déjà montré amoral en désirant mettre Agnès, une jeune fille, dans son lit. Prêt à toutes les ruses pour écarter son concurrent, il vit avec la crainte du cocuage. Dans cette scène, Arnolphe affiche la supériorité qu’il ressent envers Agnès, tel qu’en atteste le ton solennel qu’il emprunte au début de son monologue, comme lorsqu’il lui dit « bénir l’heure de votre destinée », se dépeignant donc comme un dieu qui se résignerait à épouser une simple mortelle. Il tente dès lors de la persuader qu’elle est chanceuse qu’il daigne s’attacher à elle. Arnolphe rabaisse complètement Agnès avec un discours péjoratif « le peu que vous étiez », « pauvre villageoise ». Cette scène dévoile également son égoïsme, il ne pense qu’à épouser Agnès dans le seul but qu’elle l’« admire », qu’elle réalise « l’honneur qu’il veut lui faire », en lui montrant donc à quel point il lui fait une faveur. Il ne pense en effet, pas un seul instant aux sentiments de la jeune fille. A travers cette vision du mariage, Arnolphe ne laisse aucune place à l’amour sincère, contrairement au personnage d’Agnès, pure et innocente.
Dans le même temps, Arnolphe s’attelle à une violente critique des femmes. Selon lui, il n’existe aucune confiance entre le mari et la femme, car la femme est, par nature, un être qui ne pense qu’à « être immature et prendre un agréable temps ». Le terme « mariage » est associé à « d’austères devoirs ». En effet, le mariage est selon Arnolphe, une union destinée à éviter l’humiliation du cocufiage et à satisfaire les exigences de son amour-propre. Cet engagement n’est donc qu’un ensemble d’obligations pour la femme, son discours visant à rabaisser la femme à l’état d’esclave. Encore une fois, ses dires sont absurdes : en quoi la « barbe » serait-elle une indication de domination ? Il tente également d’appuyer son raisonnement avec une approche plus scientifique : « Ces deux moitiés malgré tout n’ont point d’égalité ». Arnolphe explique donc que le mari est tout-puissant pour la femme : il est « son époux, son patron, son châtelain et son maître ». Ensuite, la lecture les maximes qu’il fait lire à Agnès sont non seulement représentatives de sa vision des choses, mais également de la réalité de sociale du XVIIème siècle. C’est notamment une des raisons pour laquelle L’École des femmes a fait polémique à cette époque ce moment-là : certains y voyaient une critique de la société et une atteinte à la morale. La lecture des onze maximes a ainsi soulevé de nombreuses critiques dans une société très religieuse : elle avait été en effet considérée comme une parodie des Dix Commandements, paroles que Dieu aurait transmises à Moïse d’après l’Ancien Testament. Par ailleurs, Molière s’est pour sa part toujours défendu en expliquant qu’il voulait avant tout divertir son public.
Cette scène reflète parfaitement la mentalité du XVIIème siècle : la femme mariée est complètement soumise à son époux, elle en est dépendante en tout point. Molière se fait donc, dans une certaine mesure, défenseur des droits des femmes, et de l’égalité des sexes en attaquant cette réalité sociale. Cette scène, tout comme l’œuvre dans son intégralité, ont donc suscité de nombreux débats, et polémiques. C’était donc un auteur très moderne, car malheureusement, ce combat est toujours d’actualité au XXIème siècle, bien que nous notions tout de même de nombreux progrès.
Références bibliographiques:
Molière, L’École des femmes – Acte III, scène 2, vers 675-730.