Une interview avec Mme Ditta Friedrich, lectrice chez Rowohlt
Lorsqu’on étudie la philologie française, on doit toujours répondre à la question : que veux-tu faire après tes études ? Si on n’a pas envie de travailler à l’école comme professeur, la réponse est assez difficile. Pour beaucoup d’étudiants qui s’intéressent à la littérature, les métiers d’édition paraissent intéressants, surtout pour ceux qui étudient les langues. Devenir traducteur, quel rêve ! Mais comment se lancer dans la traduction, comment établir des contacts, comment trouver un livre à traduire? J’ai pu m‘entretenir avec Mme Ditta Friedrich, lectrice de la maison d’édition Rowohlt, du métier de traducteur et du processus de la traduction.
Wiebke B. (W.B.) : Merci beaucoup d‘avoir pris le temps de faire une petite interview avec moi ! Le semestre dernier, j’ai suivi un cours de traduction à l’Université et découvert le plaisir de transférer un texte d’une langue à une autre. Du fait que j’ai fait un stage chez Rowohlt l’année dernière et que j‘y travaille maintenant en freelance, je sais que l’éditeur publie un grand nombre de livres étrangers. Donc, aujourd’hui, j’aimerais en savoir plus sur le processus de la traduction littéraire dans une maison d’édition. Et voici ma première question : lorsque vous avez décidé de publier un livre étranger, par exemple un ouvrage français, comment trouvez-vous un traducteur ?
Ditta Friedrich (D.F.) : Autrefois, il existait des traducteurs employés par les maisons d’édition, chez Rowohlt aussi – mais je crois qu’il y avait surtout des traducteurs qui traduisaient de l’anglais, pas du français. Aujourd’hui, les traducteurs travaillent en freelance et nous les chargeons de la traduction d’un livre concret. Normalement, nous nous adressons à des traducteurs que nous connaissons déjà, c’est-à-dire avec lesquels nous avons déjà travaillé ou qui nous ont été recommandés par un collègue.
W.B. : Alors il doit être difficile de s’établir comme traducteur ?
D.F. : Oui, c’est vrai. On peut bien sûr essayer de se faire connaître en envoyant un échantillon de son travail, mais en général, il faut de bons contacts qu’on peut établir en commençant par un stage dans une maison d’édition, par exemple. L’accès est plus facile si les lecteurs te connaissent déjà et ont donc confiance en toi.
W.B. : Parlons du processus de la traduction littéraire. Peut-elle être dans une certaine mesure „libre“ ou doit-on traduire le texte plutôt littéralement ? C’est une question dont nous avons souvent discuté dans notre cours de traduction à l’Université.
D.F. : C’est une question très importante. Cela dépend du genre du texte et également de l’auteur. Pour les textes littéraires, le langage et le choix des mots sont plus importants que pour les textes commerciaux, donc le traducteur n’est pas vraiment „libre“. Mais même pour des romans ou des textes littéraires, il est important de ne pas traduire chaque mot littéralement et de respecter plutôt l’effet du texte, qui doit rester le même dans les deux langues. Quelquefois, nous avons même dû changer des noms, ce qui est possible dans la littérature commerciale. Dans un livre, la protagoniste s’appelait Solange : en allemand, le lecteur lit « so lange » (si longtemps), ce qui peut être dérangeant. Mais bien sûr, il est essentiel de toujours dialoguer sur ces questions avec l’auteur !
W.B. : Une dernière question : combien de livres français l’éditeur Rowolt publie-t-il par an ?
D.F. : Je ne connais pas le nombre exact, mais après les romans anglophones et les livres scandinaves, ces derniers principalement des policiers, les traductions du français se trouvent à la troisième place, et à la même place que les traductions de l’italien. En général, nous publions surtout des ouvrages littéraires français, mais aussi quelques romans sentimentaux, des polars et de temps en temps un ouvrage de non-fiction.
W.B. : Merci beaucoup d‘avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions ! J’ai vraiment pu apprendre un grand nombre de choses très intéressantes. Merci encore une fois et à bientôt !
Cet article a été rédigé par Wiebke B., étudiante en licence de français et de philosophie à l’Université de Hambourg.
Un travail réalisé dans le cadre du projet „Französisch auf der Spur: Digitale Schnappschüsse an der Universität und in der Stadt“, avec le soutien du Jubiläumsfonds de l’Université de Hambourg, qui fête ses 100 ans en 2019.