Alsterpavillon
Photo: Rachel Gök

Ambiance française au Jungfernstieg

Liberté, égalité, fraternité : voilà l’héritage le plus célèbre de la Révolution française. A Hambourg, elle a apporté l’Alsterpavillon. Les milliers d’émigrants qui ont fui à Hambourg pour fuir la Révolution l’ont enrichie et ont apporté le charme français à l’Elbe.

Qui aurait cru à l’époque qu’aujourd’hui encore on boit du café et on mange des gâteaux et de la crème glacée dans ce restaurant ? Car le premier pavillon de l’Alster était également le premier café glacier d’Allemagne. C’est un aristocrate émigrant, le Vicomte Augustin Lanclot de QuatreBarbes, qui a construit l’Alsterpavillon. Ce Français s’est enfui à Hambourg pour se protéger de la Révolution et avait demandé en 1797 au sénateur de Hambourg un permis afin de construire un petit restaurant au bord de l’eau ; il voulait y vendre des rafraîchissements et des glaces. Cela convenait bien, car la ville envisageait déjà d’embellir le Jungfernstieg. Grâce à son élargissement, à l’installation de nouvelles lanternes et à la construction de l’Alsterpavillon, ce boulevard a acquis un charme français indéniable.

Cependant, tout cela s’est passé à une condition : les clients devaient se passer de jeux de cartes et de dés et de fumer du tabac en public. Après avoir promis de respecter cette interdiction, le Vicomte a ouvert le premier pavillon de la ville le 20 août 1799. Mais après seulement deux années, le fondateur s’est retiré et a vendu son pavillon au pâtissier suisse Richard Rubenet la famille de ce dernier y a vendu durant des dizaines d’années leurs délicieuses meringues. On dit qu’au début de l’existence du pavillon, Heinrich Heine y est allé, décrivant le café comme un « café drôle et en forme de tente ». Le violoniste virtuose italien Niccolo Paganini, qui a même pratiqué son art sur place, était un autre client éminent.

Malheureusement, la construction française n’était pas éternelle, car après 30 ans, le bâtiment a été déclaré délabré : il était donc temps de construire un nouveau bâtiment. En 1835, le pavillon n° 2 est devenu plus grand et plus moderne. L’apogée du deuxième bâtiment a été le troisième festival de musique d’Allemagne du nord, qui a eu lieu en 1841, avec entre autres la participation du compositeur hongrois Franz Liszt.

En mai 1842, Hambourg est détruit par le grand incendie et le pavillon de l’Alster est pillé. Une fois rétabli et redevenu le centre de la vie à l’Alster, il est trop petit pour les nombreux invités qui entrent et sortent. L’architecte le plus célèbre de la ville à l’époque, Martin Haller, qui a construit entre autres la mairie, est chargé de la construction du nouveau bâtiment. En 1875, le pavillon n° 3, un bâtiment ressemblant à un temple, est terminé. Il est construit dans le « style suisse », avec deux terrasses couvertes sur le côté. En plus de la nourriture et des rafraîchissements, le restaurant propose 50 journaux et magazines différents, allemands et étrangers.


Alsterpavillon 1880
Photo: Inconnu.e, faisant partie du domain public.
Alsterpavillon 1894
Photo: Inconnu.e, faisant partie du domaine public.
Alsterpavillon 1900
Photo: Inconnu.e, faisant partie du domaine public.
Jungfernstieg 1905
Photo: Inconnu.e, faisant partie du domaine public.

En 1899, en raison de l’agrandissement du Jungfernstieg, le temple du café bien-aimé doit être reconstruit. Le 20 janvier 1900, le pavillon n° 4, construit dans le style roman-italien, est inauguré. L’Alsterpavillon est devenu un joyau de Hambourg, la ville qui devient de plus en plus une grande ville de renommée mondiale. Le pavillon numéro n° 4 a existé 13 ans, jusqu’à ce qu’il devienne lui aussi trop petit.

En 1913, un pavillon plus grand et plus beau devient nécessaire. Le successeur, le n° 5, est une création des architectes Rambatz et Jollasse et répond à toutes les attentes. Le bâtiment est un symbole de prospérité et peut accueillir 2000 personnes, deux fois plus que le précédent. Selon un journal, le café est non seulement le café le plus populaire, mais aussi le plus élégant du monde ! Le pavillon n° 5 offre même un « Teeraum », un salon de thé, où l’on peut s’assoir sous des palmiers et des lustres étincelants.

En 1919 a lieu le Heil’scher Sülzeskandal. Une usine de produits de boucherie est accusée d’utiliser des cadavres d’animaux pour fabriquer ses produits. Par conséquent, quelques citoyens croient qu’il y avait des carcasses dans le « Heil’schen Delikatess-Sülze » proposé au menu ; ils attaquent le pavillon de l’Alster et laissent des décombres.

Malgré cette histoire mouvementée, le pavillon a survécu à la crise économique, durant laquelle il fut temporairement une bourse, et à la construction du métro de Jungfernstieg à Kellinghusenstraße en 1930.

À l’époque du Troisième Reich, le jazz américain était interdit. Néanmoins, des concerts de Swing avaient lieu dans le pavillon Alster ; c’est pourquoi la Gestapo a fermé ses portes le 25 juin 1942. Un mois plus tard, le pavillon a été victime d’un bombardement.

Le pavillon n° 6, œuvre de l’architecte Ferdinand Streb, a été ouvert en 1953 et est le pavillon semi-circulaire à toit plat qui existe encore aujourd’hui. À l’âge de 66 ans, le pavillon n°6  fait preuve d’une belle longévité. En 1990, des problèmes ont néanmoins été découverts dans le bâtiment ; on a même craint que le bâtiment doive être démoli, mais au lieu de cela, il a été amélioré. En résumé, aucun édifice du centre-ville n’a été construit et démoli puis reconstruit aussi souvent que l’Alsterpavillon !

En raison des nombreuses restructurations, les racines françaises de l’Alsterpavillon ne sont plus reconnaissables. De plus, à cause du pavillon n° 3 et du pavillon n° 4, les styles suisse et romano-italien se sont ajoutés à la construction initiale. Les traces françaises ont ainsi été complètement effacées, ce qui explique pourquoi pratiquement personne ne sait aujourd’hui que ce bâtiment a des racines françaises. Néanmoins, cet établissement apporte de la bonne humeur au Jungfernstieg, surtout en été. Bien que le pavillon d’origine du Vicomte ait laissé à peine des traces, il a néanmoins donné au Jungfernstieg le premier glacier d’Allemagne, dans lequel vous trouvez aujourd’hui difficilement une place en été, car il est toujours très fréquenté.

Cet article a été rédigé par Rachel Gök.

Un travail réalisé dans le cadre du projet „Französisch auf der Spur: Digitale Schnappschüsse an der Universität und in der Stadt“, avec le soutien du Jubiläumsfonds de l’Université de Hambourg, qui fête ses 100 ans en 2019.

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