Le 18 mai, le Metropolis Kino (en partenariat avec l’association franco-allemande Cluny à Hambourg) rend hommage à l’une des plus grandes vedettes de la musique française, qui aurait fêté son 95ème anniversaire quatre jours plus tard, mais qui nous a déjà quitté le 1er octobre 2018. À cette occasion, nous vous présentons l’un de ses classiques les plus connus : La bohème.
À l’âge de 94 ans, Charles Aznavour a pu compter plus de soixante-dix années de carrière pendant lesquelles il a été auteur-compositeur-interprète ainsi qu’acteur et écrivain. Avec près de mille deux cents chansons enregistrées en plusieurs langues (en français, en anglais, en allemand, en espagnol, en italien, en arménien, en napolitain, en russe et en kabyle), le chanteur franco-arménien reste l’un des chanteurs français les plus connus, même en dehors du monde francophone. Il est né le 22 mai 1924 à Paris dans une famille arménienne. Les parents avaient fuyé le génocide en Arménie et s’étaient finalement installés en France. Dans son adolescence, Charles a fréquenté une école dans le but de devenir acteur et il a fait ses premières apparitions sur une scène de théâtre en tant que chanteur et comédien.
C’est dans les années 40 qu’il forme le duo Roche et Aznavour avec son copain Pierre Roche et qu’il est découvert par nulle autre qu’Édith Piaf elle-même. C’est Édith aussi qui l’encourage à poursuivre une carrière solo. Au début des années 50, qui marquent aussi le début de sa carrière solo, Charles a été beaucoup critiqué par la presse pour sa voix, son manque de puissance, son physique et sa gestuelle. En Afrique du Nord, où il part en tournée en 1953, il reçoit pourtant un accueil complètement différent. De retour en France, il fait des apparitions dans le fameux Moulin-Rouge ainsi que la salle de spectacle l’Olympia, mais les critiques continuent. Le chanteur doit attendre jusqu’en décembre 1960 pour voir sa carrière décoller lors d’un concert. C’est sa présentation – mi-chanteur, mi-acteur – de Je m’voyais déjà qui lui vaut la réaction du public qu’il espérait depuis si longtemps. Ses tubes les plus connus suivaient dans les années 60 et 70, parmi lesquels La Mamma (1963), La Bohème (1965), Emmenez-moi (1967) ou Comme ils disent (1972).
À part sa contribution culturelle durant les décennies de sa carrière, Charles Aznavour est également connu pour son engagement caricatif. À la suite du séisme en Arménie en 1988, il a créé l’association « Aznavour pour l’Arménie » pour soutenir le pays pendant ce temps difficile. De même, il était parmi les nombreux artistes internationaux qui ont soutenu Haïti après le tremblement de terre de 2010 en sortant la chanson caricative « Un geste pour Haïti chérie » . Son engagement pour le pays d’origine de sa famille a fait de lui un représentant important de l’Arménie. En 2008, le président arménien lui a conféré la citoyenneté arménienne, et quelques mois plus tard, Aznavour a accepté le poste d’ambassadeur d’Arménie en Suisse. De même, il était représentant permanent de l’Arménie auprès de l’Organisation des Nations unies (l’ONU). Et une place dans le centre d’Erevan, la capitale arménienne, porte même son nom depuis 2001. On lui a aussi consacré une statue à Gyumri, la ville la plus touchée par le séisme de 1988.
Passons maintenant à l’une de ses chansons les plus connues, dans laquelle il laisse un peintre jeter un regard nostalgique sur sa jeunesse disparue, passée sur les hauteurs de Montmartre, un quartier de Paris cher aux artistes.
Je vous parle d’un temps
Que les moins de vingt ans
Ne peuvent pas connaître
Montmartre en ce temps-là
Accrochait ses lilas
Jusque sous nos fenêtres
Et si l’humble garni
Qui nous servait de nid
Ne payait pas de mine
C’est là qu’on s’est connu
Moi qui criais famine
Et toi qui posais nue
La bohème, la bohème
Ça voulait dire
On est heureux
La bohème, la bohème
Nous ne mangions qu’un jour sur deux
Dans les cafés voisins
Nous étions quelques-uns
Qui attendions la gloire
Et bien que miséreux
Avec le ventre creux
Nous ne cessions d’y croire
Et quand quelque bistro
Contre un bon repas chaud
Nous prenait une toile
Nous récitions des vers
Groupés autour du poêle
En oubliant l’hiver
La bohème, la bohème
Ça voulait dire
Tu es jolie
La bohème, la bohème
Et nous avions tous du génie
Souvent il m’arrivait
Devant mon chevalet
De passer des nuits blanches
Retouchant le dessin
De la ligne d’un sein
du galbe d’une hanche
Et ce n’est qu’au matin
Qu’on s’asseyait enfin
Devant un café-crème
Épuisés mais ravis
Fallait-il que l’on s’aime
Et qu’on aime la vie
La bohème, la bohème
Ça voulait dire
On a vingt ans
La bohème, la bohème
Et nous vivions de l’air du temps
Quand au hasard des jours
Je m’en vais faire un tour
À mon ancienne adresse
Je ne reconnais plus
Ni les murs, ni les rues
Qui ont vu ma jeunesse
En haut d’un escalier
Je cherche l’atelier
Dont plus rien ne subsiste
Dans son nouveau décor
Montmartre semble triste
Et les lilas sont morts
La bohème, la bohème
On était jeunes
On était fous
La bohème, la bohème
Ça ne veut plus rien dire du tout