Quelques traces du français dans le dialecte de Hambourg (plattdeutsch)
L’occupation française de Hambourg – bataille de Veddel
Tableau peint à l’huile des frères Suhr
Suite à la Révolution française, l’extension militaire menée par Napoléon Bonaparte (1769-1821) touche aussi le nord de l’Allemagne. Après les victoires de Iéna et Auerstedt, les troupes du Maréchal Mortier (1768-1835) occupent Hambourg le 19 novembre 1806. Après diverses péripéties, la Ville Libre et hanséatique est même supprimée en tant qu’entité politique souveraine en 1811, et les autorités françaises l’intègrent au nouveau département français créé sous le nom de Département des Bouches de l’Elbe.
Décret sur l’abolition des conseils des villes hanséatiques de Hambourg, Lübeck et Brême en février 1811
publié par le maréchal de France
Louis-Nicolas Davout le 10 février 1811.
Les conséquences de l’occupation française sont immenses sur la population et sur l’économie. Dans le domaine linguistique, les conséquences sont bien sûr moins dramatiques, mais tout aussi prégnantes. Ainsi, le français devient langue administrative officielle, à côté de l’allemand. De même, des mots français s’introduisent dans la langue quotidienne des Hambourgeois, et donc dans le « plattdeutsch », alors majoritairement parlé par la population. Le tableau suivant révèle quelques exemples de cet héritage linguistique :
Plattdeutsch | Hochdeutsch | Français |
ad·jüs | Tschüs | Adieu |
Al·lai, -·en | Allee | allée |
al·lo·mars | voran | allons marche |
am·plo·je·ern | verwenden | employer |
an·ka·sche·ern | verpflichten | engager |
an·nek·te·ern | annektieren | annexer |
an·nu·le· | annullieren | annuler |
ar·rang·sche·ern | ordnen, einrichten | arranger |
äs·ti·me·ern | schätzen, hochachten | estimer |
as·trant, -e, -en | frech, anmaßend, unfreundlich | astreindre |
Be·drul·je | Verlegenheit | bredouille |
in·kum·me·de· | belästigen, beschämen | incommoder |
in·vi·te·ern | einladen | inviter |
En guise de conclusion, les traces de la langue française sont encore très présentes, mais souvent de manière cachée, dans la langue parlée aujourd’hui à Hambourg. Cette présence est due à une occupation militaire qui aura duré près de huit ans. A la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, le français s’installera aussi sur d’autres territoires, comme corollaire linguistique de la colonisation. Si, dans nombre de ces pays, le français reste langue officielle (Burkina Faso, Mali, Sénégal, etc.) ou co-officielle (Cameroum, Haïti, Madagascar, etc.), d’autres pays ont choisi de rejeter ou d’intégrer autrement cet héritage linguistique issu de la colonisation : comme langue d’enseignement, comme langue administrative ou comme langue reconnue, mais sans statut officiel ; c’est le cas par exemple des pays du Maghreb. Et les linguistes ont encore beaucoup à faire pour identifier et analyser les traces du français dans les langues véhiculaires de ces pays.
Cet article a été rédigé par Rachid Ezzaghi.
Un travail réalisé dans le cadre du projet „Französisch auf der Spur: Digitale Schnappschüsse an der Universität und in der Stadt“, avec le soutien du Jubiläumsfonds de l’Université de Hambourg, qui fête ses 100 ans en 2019.