À
Hambourg, on parle allemand. Mais qu’en est-il de la présence du français dans
la ville hanséatique ? Rencontres culturelles, conférences, manifestations
de firmes internationales, rencontres politiques, tribunaux, services de
police, jumelage urbain… le plurilinguisme est bel et bien présent à Hambourg,
mais encore faut-il le savoir ! C’est bien souvent grâce aux interprètes
que le contact et la communication entre francophones et germanophones est
possible. Intéressons-nous de plus près à ces talents linguistiques que l’on ne
voit souvent pas (et qui sont trop souvent oubliés), mais que l’on entend.
La
formation d’un interprète
Nombreux
sont ceux qui arrivent à se débrouiller dans d’autres langues que leur langue
maternelle, et parfois cela suffit pour se faire comprendre lorsque l’on voyage
ou que l’on visite une ville étrangère. Cependant, nous reconnaîtrons tous qu’il
est plus agréable, et suivant les situations même nécessaire, de ne pas
seulement avoir compris quel est le thème de la discussion, mais d’en
comprendre les détails et de pouvoir écouter un interlocuteur de langue
étrangère sans avoir à faire d’efforts. C’est là qu’interviennent les
interprètes. Ces derniers maîtrisent généralement de deux à quatre langues,
dans lesquelles ils sont souvent à même d’interpréter dans deux
directions : de la langue source/passive à la langue maternelle et vice
versa. Traditionnellement, par souci de facilité et de précision, on préfère
l’interprétation de la langue passive vers la langue maternelle, mais certains
talents linguistiques sont à l’aise dans l’autre sens également. Pour devenir
interprète, il ne suffit pas seulement de connaître grossièrement une langue
étrangère et sa langue maternelle, il s’agit de les maîtriser toutes les deux
parfaitement. Cela nécessite un long et riche parcours, des années d’étude, de
la curiosité et beaucoup, beaucoup de persévérance.
Pour maîtriser
une langue, il ne suffit pas seulement de la comprendre et de la parler, il
s’agit également de pouvoir la prononcer correctement, de connaître les
expressions que celle-ci emploie, qui sont généralement très différentes d’une
langue à l’autre, et aussi d’avoir connaissance et conscience de la culture qu’elle
renferme. Ces éléments sont dans le cadre de l’interprétation extrêmement
importants, c’est pourquoi une licence et un master, qui est l’un des parcours
de formation possible, ne suffisent souvent pas pour devenir interprète. En
effet, nombreux sont les interprètes ayant fait un, voire plusieurs séjours
linguistiques dans les pays de leurs langues passives (leurs langues apprises,
celles dans lesquelles ils interprètent). Tel est le cas de la traductrice et
interprète germanophone Svenja Huckle, dont la formation universitaire à
Saarbrücken a duré sept ans en tout (incluant deux semestres à l’étranger en
Espagne et en France) et qui exerce depuis plusieurs années sa profession à
Hambourg. Ces séjours lui ont permis d’améliorer ses compétences linguistiques
de façon considérable, d’acquérir un vocabulaire et des expressions de la vie
courante que l’on n’a pas l’habitude de rencontrer dans les livres de grammaire
et aussi et surtout de s’imprégner de la culture des pays où elle a séjourné afin
de pouvoir mieux les comprendre et donc de mieux interpréter.
Quels
sont les domaines où interviennent les interprètes ?
À
Hambourg, les interprètes sont demandés dans de nombreux et très différents
domaines. Svenja intervient par exemple dans certaines activités telles que des
manifestations ou rencontres culturelles dans le cadre de l’Institut Français
pour procurer aux auditeurs une parfaite compréhension du français et/ou de
l’allemand. Dans le cadre de conférences où des auditeurs francophones et
germanophones sont présents, Svenja travaille dans une cabine allemand-français
pour assurer une traduction simultanée des paroles de l’orateur et ainsi permettre
aux auditeurs de ne manquer aucune information. Certaines grandes entreprises
internationales la sollicitent également pour leurs employés dans le cadre de
certains événements ou par exemple pour l’administration lors de rencontres
dans le cadre d’un jumelage urbain. Dans la ville hanséatique, le tribunal et
la police font aussi régulièrement appel aux interprètes, entre autres pour le
bon déroulement d’un interrogatoire ou d’un procès, pour rendre possible le
dialogue entre les autorités et le prévenu. Les domaines dans lesquels les
interprètes sont amenés à travailler sont donc très divers et variés ; ils
n’ont pas le temps de s’ennuyer !
Interprète,
mais pas que.
Étant
donné que le métier d’interprète n’est pas un emploi à horaire régulier, il y a
selon les périodes plus ou moins de travail selon le nombre de demandes et de
mandats. Pour cette raison, un interprète exerce généralement au moins une seconde
activité, par exemple la traduction. « Ici, à Hambourg, il est nécessaire
d’avoir un ou deux autres emplois (c’est tout du moins mon cas, mais la plupart
des gens que je connais traduisent et interprètent). Je traduis aussi
(traduction – interprétation environ 50/50) et je suis la directrice musicale
d’une comédie musicale étudiante au Theater Lüneburg. », me dit Svenja. L’interprète
passe naturellement aussi beaucoup de temps à préparer son prochain mandat
(rencontre avec d’autres interprètes, apprentissage du vocabulaire spécifique
au débat, création d’un glossaire, etc.).
Les
métiers d’interprète et de traducteur se ressemblent et sont issus d’une
formation généralement similaire, mais ils restent tout de même très différents
dans leur pratique. En traduction, on cherche à retranscrire un texte source
dans une langue cible avec exactitude, en veillant à choisir le bon mot
qui conviendra au contexte. En interprétation, en revanche, il faut certes de
la rigueur, mais l’objectif principal est de transmettre le sens de ce qui a
été dit par un orateur ; il ne s’agit pas de traduire mot-à-mot ce que
l’intervenant vient de dire. La traduction est une activité laissant plus de
temps à la réflexion qui permet au traducteur d’effacer et de réécrire à
souhait sa traduction. L’activité d’interprète est, elle, beaucoup plus
spontanée, car l’interprète n’a pas le luxe de pouvoir réfléchir dix minutes
sur la meilleure façon de traduire une expression ou un mot, il doit agir
instantanément dès qu’il entend l’orateur parler. Selon Svenja, le métier
d’interprète exige plusieurs compétences : « Vous devez être flexible,
prêt à vous familiariser rapidement avec de nouveaux sujets, et non pas être
perfectionniste, car ce que l’on dit n’est conçu que pour un court instant et
doit être créé rapidement et disparaître tout aussi rapidement. » La
curiosité et l’intérêt pour le monde, les langues et les cultures qui nous
entourent sont naturellement utiles pour avoir, entre autres, les connaissances
nécessaires lors d’insinuations ou d’allusions à la politique ou la culture, pour
comprendre les jeux de mots, etc. Ces points sont importants et méritent d’être
soulignés, car ils constituent souvent les raisons qui permettent de décider si
l’on préfère devenir traducteur ou interprète, ou les deux !
Quelle
est la motivation d’un interprète à faire ce qu’il fait ?
« Chaque mission
d’interprétation est passionnante, vous vous familiarisez avec de nouveaux
sujets, vous apprenez toujours quelque chose que vous ne connaissiez pas
auparavant, vous rencontrez de nouvelles personnes, vous travaillez avec
différents collègues et vous aidez les gens à communiquer entre eux et à
apprendre de nouvelles choses. Et c’est aussi un petit coup d’adrénaline, cette
coupure complète de l’environnement, l’écoute, réfléchir durant une fraction de
seconde, puis livrer la traduction dans l’autre langue, aussi précisément et
fidèlement que possible. La joie d’une interprétation réussie, d’une discussion
rendue possible… Pour moi, cela peut difficilement être comparé à autre chose. »
– Svenja Huckle
Tout
d’abord, l’amour pour les langues. Aimer apprendre, comprendre, écouter,
parler… C’est un métier où l’on ne cesse d’apprendre des choses ; chaque
nouvelle expérience, chaque nouveau mandat est unique ! Cet amour pour les
langues doit être combiné avec l’envie d’échanger, de partager avec d’autres
êtres humains, car un interprète ne travaille pas seul derrière un ordinateur,
il va à la rencontre d’autres personnes et les aide à se comprendre. Il y a
également la joie et la satisfaction personnelle de l’interprète, lorsqu’il a
réussi à employer les bons mots et les bonnes tournures de phrase lors de sa
performance. Finalement, le métier d’interprète est également un métier
excitant. Le fait de ne jamais savoir exactement ce que l’orateur va dire, de
devoir improviser et être spontané tout au long de l’interprétation procure de
l’adrénaline et oblige l’interprète à être entièrement concentré sur sa
performance du moment, à ne se laisser distraire par aucun bruit, aucun
mouvement alentour susceptible de le perturber et lui permet de se couper du
monde le temps de son travail, ce qui est aussi une des particularités de cette
profession.
Cette
spontanéité, cette adrénaline, ce stress créés peuvent paraître négatifs au
premier abord, mais ils sont en fait bien souvent l’un des moteurs de ce métier,
ce qui le rend si palpitant !
Un grand merci à Svenja Huckle pour sa collaboration lors de l’écriture de cet article.
Cet article a été rédigé par Elodie H., étudiante ERASMUS à l’Université de Hambourg.
Un travail réalisé dans le cadre du projet „Französisch auf der Spur: Digitale Schnappschüsse an der Universität und in der Stadt“, avec le soutien du Jubiläumsfonds de l’Université de Hambourg, qui fête ses 100 ans en 2019.