Vous connaissez peut-être déjà le groupe de musique que nous vous présentons aujourd’hui grâce aux mashups de chansons pop et hip-hop qui ont été publiés ces dernières années. Ce langage est celui du trio français appelé L.E.J., une abréviation pour les trois musiciennes : Lucie, Élisa et Juliette. Les trois amies de Saint-Denis font de la musique ensemble depuis 2013. Elles ont commencé par faire des reprises de chansons et depuis 2018, elles publient également des titres qu’elles ont elles-mêmes écrits. Chacune des membres du trio chante et joue d’un ou plusieurs instruments. Côté instrumental, c’est surtout Juliette qui se démarque, généralement montrée avec son violoncelle, dont le son est présent dans la plupart des chansons.
Notre chanson de la semaine, « Tous les deux », est une chanson d’amour, sur les hauts et les bas des relations humaines, avec la danse en commun. Pour le clip, les fans ont été invités à envoyer des extraits vidéo dans lesquels ils dansent avec une autre personne qui leur est chère. Des vidéos provenant de 123 villes différentes de 27 pays ont été envoyées et regroupées. Il en a résulté un mélange coloré qui montre différentes scènes et différentes relations humaines dans lesquelles l’amour et l’affection jouent un rôle primordial. Pour certains, la personne la plus importante est le ou la partenaire, pour d’autres le meilleur ami, leur enfant ou même leur animal de compagnie. En outre, la chanson montre comment la musique et la danse parviennent à créer un lien non verbal entre les différents êtres.
Paroles
Je peux le regarder danser Je peux l’écouter penser, parler seul Et comme l’accord est parfait Je sais qu’on pourrait le faire pendant des heures
Je sais que t’en vois pas qu’une Si je réfléchis trop, c’est pour qu’on ne Crée pas de banales rancunes Et qu’on passe un bout de vie tous les deux
Tous les deux, tous, tous, tous les deux Et qu’on fasse un bout d’ta vie tous les deux Tous les deux, tous, tous, tous les deux Et qu’on passe un bout d’ma vie
Les autres vont nous regarder danser Passent la moitié du temps à penser Qu’on va tomber et recommencer On se relève toujours tous les deux
L’un de nous devra partir Mais quand on parle des heures J’y pense même plus A-t-on besoin de se mentir? De vouloir prévoir l’inconnu?
Peut-être que ça finira Bien plus mal que ce qu’on imaginait Et toi qu’est-ce que tu diras Si, à la fin du jeu, on finit tous les deux?
Tous les deux, tous, tous, tous les deux Et qu’on fasse un bout d’ta vie tous les deux Tous les deux, tous, tous, tous les deux Et qu’on passe un bout d’ma vie
Les autres vont nous regarder danser Passent la moitié du temps à penser Qu’on va tomber et recommencer On se relève toujours tous les deux
Tous les deux, tous, tous, tous les deux Tous les deux, tous, tous, tous les deux
Les autres vont nous regarder danser Passent la moitié du temps à penser Qu’on va tomber et recommencer On se relève toujours tous les deux
Notre chanson de la semaine a marqué la musique française et plus particulièrement sa scène rock des années 80. Grâce à un style très diversifié, progressif et en partie avant-gardiste, qui s’est incarné à la fois dans la musique, les paroles, l’apparence et la performance, le groupe se distingue encore aujourd’hui des autres groupes français. Il s’agit des Rita Mitsouko, créés en 1979 par Catherine Ringer et Fred Chinchin. Le duo a conquis des milliers de fans en France jusqu’au décès de Fred Chinchin en 2007. La chanteuse, Catherine Ringer, poursuit néanmoins sa carrière avec d’autres projets musicaux et en solo.
Les Rita Mitsouko ont percé grâce à leur chanson « Marcia Baïla », sortie en 1984. La chanson est un hommage à la danseuse et chorégraphe argentine Marcia Moretto, qui était une amie de Catherine Ringer et qui travaillait avec le duo. À l’âge de 36 ans, la danseuse a succombé à un cancer du sein. La chanson est une réaction à son décès en 1983. Alors que la mélodie semble joyeuse, les paroles de la chanson parlent de la lente dégradation de la santé de la danseuse.
Nous vous recommandons vivement de regarder le clip vidéo, qui ajoute une dimension supplémentaire à cette chanson. Grâce aux costumes conçus par Jean-Paul Gautier, à la richesse des décors et à la performance du groupe, ce n’est pas la lourdeur de la thématique qui est mise en avant, mais plutôt l’énergie positive qui a inspiré Catherine Ringer. La vidéo fait d’ailleurs partie de la collection du MoMA, le musée d’art moderne de New York.
Paroles
Marcia, elle danse sur du satin, de la rayonne Du polystyrène expansé à ses pieds
Marcia danse avec des jambes Aiguisées comme des couperets Deux flèches qui donnent des idées Des sensations
Marcia, elle est maigre Belle en scène, belle comme à la ville La voir danser me transforme en excité
Ah Moretto Comme ta bouche est immense quand tu souris Et quand tu ris, je ris aussi Tu aimes tellement la vie Quel est donc ce froid que l’on sent en toi ?
Mais c’est la mort qui t’a assassinée, Marcia C’est la mort qui t’a consumée, Marcia C’est le cancer que tu as pris sous ton bras Maintenant, tu es en cendres, cendres
La mort, c’est comme une chose impossible Et même à toi qui es forte comme une fusée Et même à toi qui es la vie même, Marcia C’est la mort qui t’a emmenée
Marcia danse un peu chinois La chaleur dans les mouvements d’épaules À plat comme un hiéroglyphe inca De l’opéra
Avec la tête, elle danse aussi très bien Et son visage danse avec tout le reste Elle a cherché une nouvelle façon et l’a inventée
C’est elle, la sauterelle La sirène en mal d’amour Le danseur dans la flanelle Ou le carton
Ah Moretto Comme ta bouche est immense quand tu souris Et quand tu ris, je ris aussi Tu aimes tellement la vie Quel est donc ce froid que l’on sent en toi ?
Mais c’est la mort qui t’a assassinée, Marcia C’est la mort, tu t’es consumée, Marcia C’est le cancer que tu as pris sous ton bras Maintenant, tu es en cendres, en cendres
La mort, c’est comme une chose impossible Et même pour toi qui es la vie même, Marcia Et même à toi qui es forte comme une fusée C’est la mort qui t’a emmenée
Noé Preszow est un auteur-compositeur-interprète belge. En 2020, il sort son premier single, « À nous », et s’assure ainsi une entrée dans le monde de la musique. Notre chanson de la semaine est tirée de son EP sorti un peu plus tard et s’intitule « Que tout s’danse ».
Le style musical rappelle la chanson française et accorde une grande importance aux paroles. De ce fait, les textes sont poétiques et ressemblent à un poetry slam. Grâce au rythme des mots et à leur accentuation, les chansons sont en outre très vivantes malgré des instruments plutôt discrets.
La chanson parle de problèmes et d’incertitudes individuels et interpersonnels. Le refrain, « Tu m’dis que tout s’danse », permet de relativiser les phases mélancoliques et difficiles de la vie. Rien n’est immobile : même si les sentiments négatifs prennent souvent trop de place, de plus agréables sentiments et de meilleures phases reviennent toujours à nous. Avec ses hauts et ses bas, ses virages et ses retournements, la vie est comme une longue danse. La musique telle celle de Noé Preszow peut aider à traverser la vie avec plus de légèreté et d’insouciance.
Paroles
Je dois longtemps, longtemps me taire Zoner tout devant, tout derrière Pour frissonner, pour ressentir Pour avoir quelque chose à dire Mon ami, j’ai rien à t’offrir que ce silence qui te fera fuir Ou cette parole surchargée qui ne sait plus où se percher
Plus tu demandes, plus tu insistes Plus je me planque, plus je résiste Et je peux lire dans tes yeux Qu’tu t’souviens pourquoi on s’voit peu T’avais oublié, ça t’revient J’suis un vieillard, j’suis un gamin Je bois de l’eau, j’ai pas de scoop Et quand on s’approche trop, je coupe
Tu m’dis que tout s’danse, même la gêne Même la haine, même l’errance Que tous dansent la solitude L’état de siège, l’état d’urgence
Je dois longtemps, longtemps aimer Des amours mortes et enterrées Nous voir encore tout l’temps partout Et m’inventer des rendez-vous Je dois longtemps n’pas comprendre Pourquoi personne n’a su se rendre Et prendre l’autre dans ses bras Pour écouter ce qui n’sort pas
Et à faire sauter les miroirs, à m’en faire péter la mémoire Je sais, on dirait pas comme ça Il me faut rire, rire de moi Il m’faut des lettres anonymes qui m’accusent de tous les crimes Et au matin de ma vie, m’être fait beaucoup ennemis
Tu m’dis que tout s’danse, même la gêne Même la haine, même l’errance Que tous dansent la solitude L’état de siège, l’état d’urgence
Tu m’dis que tout s’danse, même la gêne Même la haine, même l’errance Que tous dansent la solitude L’état de siège, l’état d’urgence Il m’faut longtemps, longtemps la lutte La promenade et la dispute Il m’faut explorer mon époque Et tout ce qu’elle provoque Contempler mes contemporains Qui subliment leurs chagrins Mater l’mystère et l’héroïsme De danser sous l’capitalisme
Tu m’dis que tout s’danse, même la honte Qui monte, qui monte, même l’absence Que tout s’danse Que tout s’danse
Tu m’dis que tout s’danse, même la gêne Même la haine, même l’errance Que tous dansent la solitude L’état de siège, l’état d’urgence
Tu m’dis que tout s’danse, même la gêne Même la haine, même l’errance Que tous dansent la solitude L’état de siège, l’état d’urgence
« Y a pas de psy, seule la musique sera ma catharsis »
Le rappeur franco-rwandais, né d’une mère rwandaise et d’un père français évoque certains de ses souvenirs dans sa chanson « Taxiphone ». Sa famille a en effet dû se réfugier en France à l’époque de la guerre civile au Rwanda et Gaël Faye s’est alors retrouvé dans une banlieue française grise et froide. Il n’y gagne que peu d’argent et doit le dépenser pour des pulls chauds ou dans des courses de taxi.
La chanson ne se concentre pas seulement sur le passé du rappeur, mais aborde finalement aussi le destin d’un grand nombre de personnes qui viennent d’Afrique en France pour diverses raisons. Même si le fait de rester dans l’Hexagone est synonyme de sécurité, s’y réfugier génère également un sentiment de solitude profonde. À cela s’ajoutent la confrontation récurrente à des préjugés comme le mentionnent les paroles de la chanson, tels que « Je venais d’Afrique, on me disait „tu sais, t’es sous-développé », qui encadrent et marginalisent ces personnes. De plus, la chanson attire l’attention sur les traumatismes qui habitent ces réfugiés ayant fui des guerres violentes, leur donnent des cauchemars et ne les laissent jamais en paix.
Pour Gaël Faye, la musique est un moyen d‘ « autothérapie » et nombre de ses paroles sont très personnelles. En outre, de nombreux textes sont résolument critiques envers la société. Sans textes vulgaires, ses chansons acquièrent ainsi une signification toujours puissante. Laissez-vous convaincre par cet artiste intéressant !
Paroles
Ma vie c’est des trains de banlieue Des pavillons gris, des murs tagués, des ciels pluvieux Tellement saudade, on m’appelle Lisbonne Le peu que je gagne, je le claque dans les taxiphones, ouais
Ma vie c’est des trains de banlieue Des pavillons gris, des murs tagués, des ciels pluvieux Tellement saudade, on m’appelle Lisbonne Le peu que je gagne, je le claque dans les taxiphones
Je sortais des rimes pleins de „ken ta race“ dans mes coups d’essai J’étais sappé en baggy Carhartt, shoes sans les lacets Je venais d’Afrique, on me disait „tu sais, t’es sous-développé“ Donc révolté, j’ai dû travailler pour fermer des clapets J’étais la risée de tout le collège, qui, déraciné Qui d’africain dans la cour de récré, mineur isolé Ça jouait les durs, ça parlait de racket et de crans d’arrêt Je venais de là où soufflaient les obus et roulaient les blindés Okay, okay, la France c’est la paix, la sécurité Mais c’est aussi la morsure du froid et la solitude L’eldorado n’était pas si beau, nan, Papa nous mentait Si je reste ici, c’est pas pour rapper mais piller les études Les années passent et les feuilles tombent à tous les automnes Et moi je m’étonne d’être encore ici, voyelles et consonnes Ma vie s’écrit sur des bouts de papier, je chantonne et fredonne Un blues qui ne me quitte plus depuis les bancs d’école, eh ouais
Ma vie c’est des trains de banlieue Des pavillons gris, des murs tagués, des ciels pluvieux Tellement saudade, on m’appelle Lisbonne Le peu que je gagne, je le claque dans les taxiphones, ouais
Ma vie c’est des trains de banlieue Des pavillons gris, des murs tagués, des ciels pluvieux Tellement saudade, on m’appelle Lisbonne Le peu que je gagne, je le claque dans les taxiphones
Et puis je prends racine dans le bitume, faut chercher la thune Acheter des pulls, ouais le froid nous tue, jamais je ne m’habitue Et toutes les nuits je fais des cauchemars de mes antécédents Je pisse au lit, je rêve qu’Edouard Norton va me casser les dents J’écris pour petite soeur, toujours amère, ma vie est insipide Tout m’écoeure et sans le stylo, ma mère, je vous le jure, je me suicide À l’école je me dissipe, à l’époque, je veux me casser d’ici Tu veux devenir mon pote, impossible, ce soir j’ai piscine Je perds la raison, à la maison, plein de cadavres dans le placard Nos passés de génocide, d’exil, tout ça n’est que blackout Je cherche le vacarme de la rue, le silence des livres J’habite une cabane sur la lune quand le monde se délite J’ai vu les fins de monde, les carnages, les lynchages à l’essence Et j’observe les jeunes de mon âge, j’envie leur innocence Ne savent pas que tout est possible, que tout peut s’effondrer D’un jour un l’autre, comme dans un roman de Chinua Achebe, ouais
Ma vie c’est des trains de banlieue Des pavillons gris, des murs tagués, des ciels pluvieux Tellement saudade, on m’appelle Lisbonne Le peu que je gagne, je le claque dans les taxiphones, ouais
Ma vie c’est des trains de banlieue Des pavillons gris, des murs tagués, des ciels pluvieux Tellement saudade, on m’appelle Lisbonne Le peu que je gagne, je le claque dans les taxiphones
J’appelle mon père au bled, je rêve de rentrer Mais c’est cher le kerozen, t’façon c’est dead Au Nord, l’armée se bat contre les rebelles, c’est le bordel Gosse sans repère, pas bien dans ses Corteiz Entre parenthèses, vivre l’exil c’est être en quarantaine Faut avancer, me répète ma mère, mentalité guerrière Je suis cadenacé par mon passé, j’avance en marche arrière Arraché de mes racines comme brûlé à l’acide Y a pas de psy, seule la musique sera ma catharsis Maintenant j’écris comme je respire, mais je respire empêché Tout m’inspire, j’aspire la vie, j’apprends à l’encaisser Paname, un champ de canne à l’été, je reste assis sur le canapé Je repense à ces années passées, mes premiers textes rappés Quand je sortais plein de „ken ta race“ dans mes coups d’essai J’étais sappé en baggy Carhartt, shoes sans les lacets Je venais d’Afrique, on me disait „tu sais, t’es sous-développé“ Donc révolté, je me suis mis à rapper pour fermer des clapets
« Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air » – Despentes, Virginie : King Kong Théorie (2006)
Dans ses œuvres littéraires, l’écrivaine française Virginie Despentes s’intéresse entre autres aux diverses inégalités entre les sexes et dénonce l’oppression des femmes. Son essai féministe radical « King Kong Theorie » a été publié en 2006 par la maison d’édition parisienne Grasset. Dans ce texte, l’auteure aborde des thèmes qui concernent principalement le genre et la sexualité. Outre des approches féministes et de l’analyse de ses propres expériences, elle traite également de sujets tabous liés au corps féminin, par exemple le viol, la pornographie ou la prostitution. Son discours théorique est lié à la question de la position de la femme dans un monde capitaliste.
Dans un langage parfois familier, parfois vulgaire, elle énonce des thèses provocantes et parle des contradictions et des doubles standards qu’elle observe dans la société notamment pour la sexualité, la pornographie et la prostitution. Elle écrit d’une part, pour et sur les femmes qui ne correspondent pas à l’image hétéronormée imposée par le patriarcat et d’autre part, sur celles qui participent au « jeu de la féminité », mais elle évoque aussi l’image de la masculinité définie par la société, ou « la cellule familiale » qui, selon elle, concerne les deux sexes.
Pour moi, Virginie Despentes représente la littérature punk féministe. Elle ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à faire des déclarations provocantes, mais toujours fondées. En même temps, dans ses essais, elle fait référence à des féministes marquantes et multiplie les références théoriques. Laissez-vous convaincre par cette écrivaine qui s’est imposée ces dernières années dans le canon littéraire français !