La Littérature postmoderne

par Jule S., Sarah S. et Eva W.

Le postmodernisme est un courant culturel-historique. On décrit ainsi l’époque postérieure aux années soixante/soixante-dix, mais il est assez difficile de définir une durée particulière. Une des particularités du postmodernisme est le pluralisme des thèmes et motifs. Les auteurs et artistes choisissent leur propre style et leur manière unique de s’exprimer, ce qui crée une multitude de mouvements et points de vue artistiques et littéraires. Souvent, on ne crée rien de nouveau, mais on joue avec les traditions littéraires. Les textes sont pleins d’intertextualité et les auteurs expérimentent avec la structure, le rythme et le mode de narration. Ces phénomènes se retrouvent partout dans les textes de Yasmina Reza, c’est à cause de cela qu’elle est un bon exemple d’écrivaine postmoderniste.

Annie Ernaux

par Anna M. et Klara W.

  1. 1) Biographie
  2. 2) La littérature d’Annie Ernaux
  3. 3) Briser les tabous
  4. 4) Les Années
  5. 5) Analyse: Les Années
  6. 6) Test de connaissance
  7. 7) Exercices d’analyse

1) Biographie

Née le 01.09.1940 à Lillebonne, Annie Ernaux passe son enfance et sa jeunesse à Yvetot en Normandie. Ses parents étaient ouvriers. À Yvetot, ils possédaient un petit café – épicerie, donc la jeune fille a grandi dans un milieu social modeste. Aujourd’hui, Ernaux n’est pas qu’écrivaine, mais aussi professeur de lettres. Sa carrière littéraire a commencé avec la publication de son premier roman, intitulé Les armoires vides en 1974. Tous ses romans ont un caractère autobiographique (voir aussi l’auto-socio-biographie). Dans son 5e livre, dans lequel elle retrace la vie de sa mère à l’aide de ses propres souvenirs, Ernaux écrit que ce livre « n’est pas une biographie, [mais] quelque chose entre la littérature, la sociologie et l’histoire » [1]. Dans les œuvres qui suivent, elle garde le cap de ce discours complexe et occupe ainsi sa propre niche dans la littérature française

image 1: Annie Ernaux, photo: Olivier Roller – https://olivierroller.com

2) La littérature d’Annie Ernaux

« J’ai tendance à mesurer la littérature à son degré de dérangement.» [2] – C’est une citation de l’écrivain Annie Ernaux qui révèle son attitude à l’égard de la littérature en général, mais aussi les motifs de son propre travail comme autrice. Au cours des années, Ernaux est devenu un per-sonnage important de la littérature française. Ses œuvres traitent des problèmes réels d’une femme qui est née et qui a grandi en France. Dans ses récits, elle écrit à propos de ses propres expériences en intégrant également l’environnement social qui l’entoure. Les évènements racontés sont personnels et émouvants et en même temps impersonnels et universels. Dans son propre style d’écriture, l’autrice crée un miroir de la société française. Dans ce document, nous donnerons quelques informations biographiques/générales sur l’écrivain. En outre, nous nous pencherons plus en détails sur le contenu et la réception de son œuvre Les Années qui a été pu-bliée en 2008.

3) Briser les tabous

Briser les tabous, c’est une autre caractéristique de l’œuvre de l’autrice. Dans ses livres, Annie Ernaux s’adresse également à certains d’entre eux comme : la mort et les maladies, l’évanescence, la découverte de la sexualité, la honte sociale, la honte liée à la sexualité, celle liée à l’avortement. Les œuvres qu’Ernaux a rédigées avant 2008 peuvent être considérées comme le socle littéraire de Les Années, car le livre reprend des sujets déjà abordés. En même temps, selon l’écrivaine ce récit était nécessaire pour qu’elle puisse écrire sa dernière publication, intitulée Mémoire de fille (2016). L’œuvre, publiée peu avant la formation du mouvement #Me-too, traite d’un autre sujet tabouisé. Dans le récit, Ernaux révèle son premier rapport sexuel avec un homme et évoque la brutalité qui a accompagné cet acte. L’évènement a eu lieu en 1958 et il a fallu plus de 50 ans avant que l’autrice puisse écrire à propos de cette rencontre blessante. Les thèmes centraux dans ce récit sont la honte sociale et la honte de la jeune femme. Dans ses œuvres précédentes (aussi dans Les années), elle a parfois mentionné « la fille de 58 ». Mais c’est en 2016 qu’elle a réussi à faire face à cette rencontre blessante et aux conséquences psychologiques que l’incident a eues sur elle. Parce qu’elle brise les tabous et par sa réflexion objective sur son « ancien moi » et son environnement social, la « transformation du concept de normalité » devient évident. C’est également l’un des objectifs de l’autrice : l’analyse critique. Dans l’épigraphe de Les Années, elle cite l’écrivain russe Anton Tchekhov : « et c’est curieux, nous ne pouvons savoir aujourd’hui ce qui sera un jour considéré comme grand et important, ou médiocre et ridicule ».[3] Dans son livre, elle décrit l’évolution de la moralité française au cours des 60 dernières années.

Références bibliographiques:

  1. Ernaux,A.: Une femme. Paris: Gallimard 1988. p. 106.
  2.  Garcin, Jérôme: Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française: Par eux-mêmes. Paris : Mille et une nuits 2004. p. 162.
  3.  Ernaux, A.: Les années. Paris. Gallimard, 2008.

4) Les Années

En 2008, Les Années a été publié aux éditions Gallimard. L’œuvre lie le témoignage d’une femme, née dans les années 1940 en France, au portrait de la société française pendant plus de 60 ans. Ernaux mêle ses souvenirs personnels, depuis son enfance jusqu’ au 21e siècle, avec la mémoire collective. L’œuvre aborde de nombreux domaines de la vie et des sujets différents. Quelques récits traitent de la situation politique, par exemple de la crise algérienne, de la France sous François Mitterrand, des conséquences de la mondialisation, de l’émancipation des femmes. D’autres se penchent sur sa carrière universitaire, son mariage précoce, son divorce, son enfance dans l’après-guerre, les maladies et les pertes, la découverte de la sexualité et son propre vieillissement. Dans ce récit, Ernaux propose des descriptions de ses photographies personnelles. Celles-ci servent en quelque sorte de bornes et de fil rouge qui mènent les lecteurs à travers le livre. Avec Les Années, Ernaux a créé un miroir de l’évolution de la société française vue par le prisme d’une femme.

C’est pour les femmes que les choses ont le plus changé

Même si, dans Les Années, l’écrivaine utilise souvent une voix narrative collective (en utilisant les pronoms « on » et « nous ») générant ainsi un témoignage plus universel, il est évident que le personnage principal dans l’œuvre est une femme. Quand l’autrice parle d’ « elle », c’est l’ „ancien moi“ de l’écrivaine, dont elle parle à la troisième personne. Comme Ernaux le dit dans un entretien avec Suhrkamp,[1] c’est pour les femmes que les choses ont le plus changé au cours des cinquante dernières années. Il est évident que l’écrivaine a été témoin d’une vague importante du féminisme. Avec Simone de Beauvoir et son essai marquant Le Deuxième sexe (1949), la pensée féministe s’est renouvelée. Au cours des années 1960, des mouvements importants se sont formés (comme le Mouvement de la libération des femmes (MLF)) qui ont lutté pour leurs droits. L’émancipation des femmes battait alors son plein. Dans son récit, Ernaux écrit à propos de la déconstruction des modèles de rôles sexospécifiques, comme par exemple le fait qu’être mère n’est plus au centre des tâches féminines. Un autre thème, c’est l’émancipation sexuelle ainsi que les nouvelles possibilités et libertés pour les femmes grâce à la pilule. Dans Les années, Ernaux mentionne également un évènement marquant des années 70 : « le manifeste de 343 »[2] qui a marqué la lutte pour le droit d’avorter. L’autrice résume l’esprit de cette époque avec les mots suivants : « un sentiment de femme était en train de disparaître, celui d’une infériorité naturelle ».[3] L’historiographie, qui est principalement occupée par les hommes à cette époque, est un autre domaine en train de changer. En écrivant l’Histoire de l’évolution de la société française avec la perspective d’une femme, Annie Ernaux fait partie intégrante de ce changement marquant.

Adaptations

Le temps narré dans l’œuvre s’étend sur plus de 60 ans. En raison de sa complexité, il n’est pas facile de l’adapter. Néanmoins, en Autriche, la première d’une production théâtrale se fondant sur le livre a eu lieu en mars 2020. Malheureusement, la pièce n’a pas pu être jouée souvent en raison de la fermeture des espaces culturels pendant la crise du coronavirus. Néanmoins, il y a déjà quelques aperçus de la pièce et de sa réception. Il reste à savoir quelle sera l’influence future de l’œuvre sur les scènes de théâtre ou même sur les écrans de cinéma. Pour aborder l’œuvre autrement, il y a aussi des livres audio. Pour la version française, on peut trouver un feuilleton d’une pièce radiophonique en 10 épisodes sur le site de la station de radio « France-Culture » : c’est une adaptation par Sophie Lemp, dans laquelle la lecture du récit est accompagnée musicalement. La version radiophonique du livre est disponible gratuitement et peut être consultée sur la site de France Culture: https://www.franceculture.fr/emissions/series/les-annees-de-annie-ernaux.

Références biliographiques:

  1.  https://www.suhrkamp.de/mediathek/annie_ernaux_spricht_ueber_die_jahre_1353.html
  2.  Rédaction Ina: https://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/5-avril-1971-le-manifeste-des-343.
  3.  Ernaux, A.: Les Années. Paris: Gallimard 2008. p.116.

5) Analyse: Les Années

Extrait d’analyse:

Les hontes d'hier n'avaient plus cours. La culpabilité était moquée, nous sommes tous des judéo-chrétiens, la misère sexuelle dénoncée, peine-à-jouir l'insulte capitale. La revue Parents enseignants aux femmes frigides à se stimuler jambes écartées devant un miroir. Dans un tract distribué dans les lycées, le Dr Carpentier invitait les élèves à se masturber pour tromper l'ennui des cours. Les caresses entre adultes et enfants étaient innocentées. Tout ce qui avait été interdit, péché innommable, était conseillé. On s'habituait à voir des sexes à l'écran mais on bloquait sa respiration de peur de laisser échapper son émotion quand Marlon Brando sodomisait Maria Schneider. Pour se perfectionner, on achetait le petit livre rouge, suédois, avec des photos montrant toutes les positions possibles, on allait voir Techniques de l'amour physique. On envisageait de faire l'amour à trois. Mais on avait beau faire, on ne se résolvait pas à ce qui était hier considéré comme un outrage à la pudeur, se montrer nus devant ses enfants. Le discours du plaisir gagnait tout. Il fallait jouir en lisant, écrivant, prenant son bain, déféquant. C'était la finalité des activités humaines. On se retournait sur son histoire de femme. On s'apercevait qu'on n'avait pas eu notre compte de liberté sexuelle, créatrice, de tout ce qui existe pour les hommes. Le suicide de Gabrielle Russier nous avait bouleversées comme celui d'une sœur inconnue, et nous nous étions indignées de la roublardise de Pompidou citant un vers d'Éluard que personne ne comprenait pour éviter de dire ce qu'il pensait de l'affaire. La rumeur du MLF venait à la province. Le torchon brûle se trouvait au kiosque, on lisait La Femme eunuque de Germaine Greer, La Politique du mâle de Kate Millett, La Création étouffée de Suzanne Horer et Jeanne Socquet avec le sentiment d'exaltation et d'impuissance que procure la découverte d'une vérité pour soi dans un livre. Réveillées de la torpeur conjugale, assises par terre sous le poster Une femme sans homme c'est un poisson sans bicyclette, on reparcourait nos vies, on se sentait capables de quitter mari et enfants, de se délier de tout et d'écrire des choses crues. De retour à la maison, la détermination refroidissait, la culpabilité sourdait. On ne voyait plus comment on pourrait s'y prendre pour se libérer - ni pourquoi. On se persuadait que son homme à soi n'était pas un phallocrate ni un macho. Et l'on hésitait entre les discours - ceux qui prônaient l'égalité des droits entre hommes et femmes, et s'attaquaient à « la loi des pères », ceux qui préféraient valoriser tout ce qui était féminin, les règles, l'allaitement et la préparation de la soupe aux poireaux. Mais pour la première fois, on se représentait sa vie comme une marche vers la liberté, ça changeait beaucoup. Un sentiment de femme était en train de disparaître, celui d'une infériorité naturelle.[1]

Analyse:

L’extrait de texte que nous avons choisi est représentatif de l’œuvre, car il contient beaucoup d’aspects qui sont typiques des livres d’Annie Ernaux. Dans ce court extrait, l’écrivaine aborde le sujet tabou du développement sexuel, décrit l’influence des médias et donne aux lecteurs un aperçu de la mémoire collective. Elle décrit un changement de norme et fait référence à la sexualité et à l’émancipation des femmes.

Dans cette analyse, nous nous pencherons d’abord sur la relation entre l’individu et la société. Puis sur la représentation de la mémoire collective. Notre objectif est de découvrir ce qui peut être provoqué par la représentation narrative de la mémoire collective et ce que ces récits signifient pour le présent.

La société et ses facteurs inhérents – culture, religion et moralité – ont une influence significative sur l’individu. D’après certains scientifiques, comme par exemple Klaus Müller, chaque être humain naît avec le même potentiel de conscience et n’est formé que par des influences extérieures.[2] L’environnement implique également les influences des médias. Dans Les années, l’auteur dépeint de différentes manières l’influence des médias sur la perception de la société. Dans cet extrait, Ernaux mentionne, par exemple, divers titres de magazines qui ont publié des articles sur la sexualité, et qui ont été lus par de nombreuses personnes. Le récit est entrecoupé de références intertextuelles aux médias qui sont largement connues en France et ces références renforcent la crédibilité du rapport. De plus, elles permettent à l’écrivaine d’établir un lien plus étroit avec le lectorat français, qui connaît bien ces magazines, films, chansons et autres médias mentionnés. En outre, Ernaux décrit une affiche avec l’inscription « Une femme sans homme c’est un poisson sans bicyclette ».[3] Ce slogan est une sorte de métaphore pour l’émancipation des femmes et pour la libération de leurs rôles prescrits de bonnes épouses et de mères aimantes. Comme nous l’avons déjà mentionné dans notre Wiki précédent, c’est pour les femmes que les choses ont le plus changé au cours des cinquante dernières années. L’émancipation des femmes est également importante dans cet extrait. Il s’agit d’une part de l’émancipation sexuelle et d’autre part du détachement par rapport à certains modèles et de certaines idées. De nouvelles possibilités s’ouvraient alors.

Chaque individu est ainsi façonné par son environnement et agit généralement selon la norme de la société qui l’entoure. Le concept de normalité de l’individu s’adapte à celui du collectif. Cela apparaît clairement dans l’extrait de texte, puisque Ernaux parle en termes généraux de « on » et « nous » et évite d’écrire « je ».[4] Dans l’extrait de texte, il y a une énumération de phrases indiquant des actions et des informations sur le comportement de la société française à l’imparfait:

Pour se perfectionner, on achetait le petit livre rouge, suédois, avec des photos montrant toutes les positions possibles, on allait voir Techniques de l’amour physique. On envisageait de faire l’amour à trois.[5]

Ces descriptions représentent une sorte d’observation objective de l’extérieur. La juxtaposition de différents aspects qui ont été importants pour le changement des normes dans la société française donne l’impression que les changements pendant cette période étaient considérés comme banals. Le choix de l’imparfait renforce cette banalité et peut être considéré comme un signe narratif de l’effervescence des années évoquées. Les actions sont présentées comme faisant partie de la routine quotidienne. Cela nous amène au deuxième point central de cette analyse : la mémoire collective. L’une des hypothèses de base de la recherche sur la mémoire des sciences culturelles est que les groupes et les sociétés conçoivent des versions d’un passé commun, les diffusent à travers la communication quotidienne et médiatique afin de stabiliser les identités collectives et de s’entendre sur des valeurs et des normes partagées.[6]

La plupart des documents historiques et socioculturels connus ont été réalisés par des hommes. Avec son œuvre Les Années, Ernaux nous donne un point de vue féminin sur le développement social de la France. Cependant, elle ne se met pas au premier plan, mais se considère comme partie de la société. Dans le premier paragraphe, l’autrice écrit sur les changements de la société en général et résume la libération sexuelle avec les mots « Le discours du plaisir gagnait tout ». Le deuxième paragraphe commence par les mots « On se retournait sur son histoire de femme. ». Dans ce qui suive, elle traite des effets de ces années pour les femmes qui, à cette époque « se représentai[en]t s[es] vie[s] comme une marche vers la liberté ». Ce qui est inhérente à cette déclaration est également la déconstruction de certains modèles du genre. La reproduction de la mémoire collective peut légitimer et délégitimer les relations de genre encore existantes. Avec Les Années, Annie Ernaux peut conduire à un élargissement du canon dans les études littéraires, mais aussi élargir certainement l’image de la performance et de la pertinence sociale des autrices.[7]

Références bibliographiques:

  1. Ernaux, Annie : Les Années. Paris : Gallimard, 2008, pp. 114-116.
  2.  Müller, Klaus W.: Das Gewissen in Kultur und Religion: Scham- und Schuldorientierung als empirisches Phänomen des Über-Ich / Ich-Ideal. Nürnberg : VTR, 2010, p. 174.
  3.  Ernaux (2008): p. 115.
  4.  Ernaux (2008): p. 114-116.
  5.  Ernaux (2008): p. 114.
  6.  Erll, Astrid et Seibel, Claudia: Gattungen, Formtraditionen und kulturelles Gedächtnis. Dans: Nünning, Vera et Nünning, Ansgar: Erzähltextanalyse und Gender Studies. Stuttgart: Metzler 2004, p 185.
  7.  Erll et Seibel (2004): p. 185.

6) Test de connaissance

Testez vos connaissances:

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7) Exercices d’analyse

L’objectif des tâches suivantes est de vous donner la possibilité de travailler directement avec un texte importante de la littérature française. Les sections suivantes „L’auto-socio-biographie“ et „La consommation“ font référence à des sujets importants du livre Les Années, que nous vous avons déjà brièvement présenté dans ce Wiki. Dans les rubriques, vous trouverez diverses tâches sur lesquelles vous pouvez travailler. Le matériel précédent (Le Wiki et l’analyse littéraire) peut vous aider avec les exercices.


Exercice no. 1: L’auto-socio-biographie

un exercice par Klara W.

💡 Dans une analyse littéraire, l’accent peut être mis sur l’étude des aspects socioculturels et historiques. Comme cela a déjà été présenté dans le Wiki, Annie Ernaux reflète dans son autobiographie collective l’image sociale des dernières décennies. Elle complète la mémoire collective avec ses propres expériences, mémoires et pensées. Ernaux écrit à propos de ses expériences de la sexualité, du corps, des relations interpersonnelles, des différences sociales, de l’éducation et d’autres souvenirs. Les expériences décrit par l’écrivaine, prennent une dimension collective et sociologiques dans son œuvre.

Le passage de texte sélectionné fait référence à la technique d’écriture d’Ernaux. L’autrice écrit à la troisième personne sur les événements passés qu’elle a vécus. Dans l’extrait de texte, Ernaux se souvient de la fille qu’elle voit sur la photo. C’est une vieille photo d’elle-même. Elle la décrit et ajoute l’information que cet été-là, elle a eu son premier rapport sexuel avec un homme. Puis, les effets que cette rencontre a eu sur son corps sont décrits. Ensuite, tout est mis en relation avec son comportement et celui des autres dans l’environnement social.

Lisez les pages 78-80 puis, travaillez sur les exercices d’écriture 1 et 2.

💡 *rappelle : l’auto-socio-biographie est un genre moderne. Il mélange l’autobiographie classique d’un écrivain avec l’environnement social et culturel qui l’entoure. La mémoire personnelle est ainsi accompagnée par des aspects de la mémoire collective.

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Exercice no. 2: La consommation

un exercice par Anna M.

💡 La consommation de la société joue également un rôle dans le livre Les Années. Le passage de texte sélectionné fait référence aux changement de comportement des consommateurs au sein de la société. L’autrice écrit à la troisième personne sur les évènements passés. Dans l’extrait de texte, Ernaux énumère de nombreux objets et choses achetés à l’époque, ce qui était à la mode, ce que tout le monde devait acheter. 

Avant de lire l’extrait de Les années (pp. 121-122), répondez à la question suivante :

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Lisez les pages 121 – 122, puis travaillez sur les trois exercices:

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L’auto-socio-biographie

par Anna M. et Klara W.

Invention d’un nouveau genre

Le genre littéraire de l'“auto-socio-biographie“ a été créé par Annie Ernaux. En mentionnant ses propres souvenirs et expériences, mais aussi les aspects culturels, sociaux et la si-tuation politique, Ernaux a inventé un nouveau genre littéraire. Bien que l’autrice parle de ses propres expériences, elle garde une perspective qui est objective et sans jugement. A cet effet, , elle recourt à/emploie une écriture factuelle, donc sans trop de futilités. En outre, l’œuvre reflète en permanence la mémoire, les sentiments et la mentalité collective qui ont régné pendant la période d’évolution de la société française narrée. Dans les dernières pages du livre, Ernaux explique l’un des objectifs de son ouvrage : « en retrouvant la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, [elle] [rend] la dimension vécue de l’Histoire ».[1]

L’œuvre Les Années est moderne à divers égards et n’aurait pas pu être publiée avant le XXe siècle. En effet, l’inclusion des médias occupe un rôle important dans le récit. Comme cela a déjà été signalé , Ernaux propose des descriptions de ses photographies personnelles et les met en relation avec ses souvenirs. En outre, elle fait référence à d’autres formes de médias dans le cadre de sa narration, comme des articles de presse, des chansons, des émissions de radio, des films, ainsi que des publicités télévisées. La prise en compte des divers médias, permet aux lecteurs d’obtenir une vision plus précise des années passées et sert en même temps de justification des faits décrits par l’écrivaine.

Références bibliographiques:

  1. Ernaux, A.: Les Années. Paris: Gallimard 2008. p.251

Wajdi Mouawad

par Victoria B. et Selen Y.

  1. 1) Biographie
  2. 2) Incendies (2003)
  3. 3) Analyse: Incendies
  4. 4) Test de connaissance
  5. 5) Exercice d’analyse no. 1
  6. 6) Exercice d’analyse no.2

1) Biographie

Wajdi Mouawad est un auteur francophone, un Canadien d’origine libanaise. Il passe son enfance au Liban. En 1976, sa famille immigre en France, puis au Canada (Québec) en 1983. Après avoir terminé sa formation d’acteur à l’École Nationale du Théâtre au Canada, il fonde un théâtre à Montréal. Sa carrière d’auteur et de réalisateur commence au Théâtre „O Parleur“. Il y met en scène ses propres textes qui sont publiés par l’éditeur Leméac (Actes Sud/Papiers). Wajdi Mouawad écrit beaucoup d’œuvres intéressantes et importantes. Par exemple en 1992, sa pièce Journée de noces chez les Cromagnons est jouée à Montréal. En 2017, il aborde le conflit au Moyen-Orient à travers son œuvre Tous des oiseaux.

image 1: Portrait de Wajdi Mouawad, source: https://t1p.de/376y, CC BY-SA 4.0: https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/deed.en

Une de ses pièces les plus importantes est le drame Incendies, qu’il crée en 2003. Toutes ses œuvres abordent ses origines et les problèmes du Moyen-Orient. En 2012, il publie son premier roman Anima, dans lequel il est question d’un meurtre dont les seuls témoins sont des animaux. De plus, Mouawad écrit des livres pour enfants comme Pacamambo et Un obus dans le cœur. Mouawad est également engagé socialement. Il a mené divers projets éducatifs avec des jeunes. Depuis 2016, il est directeur du Théâtre National de la Colline à Belleville, Paris.

2) Incendies (2003)

Celui qui tente de trouver son origine est comme ce marcheur au milieu du désert qui espère trouver, derrière chaque dune, une ville. Mais chaque dune en cache une autre et la fuite est sans issue. Raconter une histoire nous impose donc de choisir un début. Et nous, notre début, c’est peut-être la mort de cette femme qui, il y a longtemps déjà, a décidé de se taire et n’a plus jamais rien dit […]. Incendies est alors l’histoire de trois histoires qui cherchent leur début, de trois destins qui cherchent leur origine pour tenter de résoudre l’équation de leur existence et tenter de trouver, derrière la dune la plus sombre, la source de beauté.[1]

En 2003, Wajdi Mouawad a créé le drame Incendies. C’est le deuxième volet d’une tétralogie qui est intitulé Le Sang des promesses, sans être cependant une suite narrative du premier volet Littoral. Dans ses pièces, Mouawad discute de sujets d’actualité socialement pertinents tels que la migration, l’origine et l’humanité, et ses spectacles sont caractérisés par un style post-dramatique. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus importants dramaturges et auteurs de la littérature francophone moderne. La pièce traite des sujets caractéristiques pour la littérature de l’exil.#

image 2: Scène de l’adaption cinématographique de Denis Villeneuve, source: https://t1p.de/b74a

2.1 Contenu

La pièce aborde de nombreux thèmes différents, notamment l’horreur de la guerre civile au Liban, le traumatisme, le mystère de l’origine et la réconciliation avec le passé. Au centre de la pièce se trouve le personnage de Nawal Marwan, la mère des jumeaux Jeanne et Simon. Dans ses dernières volontés, elle envoie ses deux enfants à la recherche de leur père inconnu et de leur frère, dont les jumeaux n’avaient pas connaissance. Avec l’aide du notaire Hermile Lebel, Jeanne et Simon se mettent à la recherche du passé de leur mère décédée et ils découvrent peu à peu le mystère de leur origine. Nawal a grandi au Liban. À l’âge de 14 ans, elle rencontre son grand amour et tombe enceinte. Sa famille est contre leur union et sépare Nawal de son amant. Son fils Nihad est emmené loin d’elle. La seule chose que Nawal peut lui donner en signe d’amour est un nez de clown rouge. Dans les années suivantes, en essayant de retrouver son fils, elle est prise entre les fronts de la guerre civile libanaise et elle fait l’expérience directe des crimes de guerre. À l’âge de 40 ans, emprisonnée à Kfar Rayat pour avoir tué un chef de milice, elle tombe enceinte une deuxième fois après avoir été violée par un de ses bourreaux, Abou Tarek. On la remet en liberté et elle s’enfuit au Québec, où elle élève les jumeaux. Lentement mais sûrement, Jeanne et Simon comprennent le traumatisme de leur mère et finalement les vérités sur leur père et sur leur frère.

2.2 Adaptations

En 2011, le drame de Mouawad a été adapté au cinéma par le directeur québécois Denis Villeneuve sous le titre Incendies. En Allemagne, il porte le sous-titre La femme qui chante. Le film a été nommé aux Oscars pour le prix du meilleur film en langue étrangère et il a été bien accueilli par la critique et par les spectateurs. L’adaptation cinématographique reste très proche de la pièce originale de Wajdi Mouawad. Mais il y a des changements dans la mise en scène des différentes temporalité. Les possibilités visuelles du film permettent de dépeindre la proximité des événements, même sur une période de plusieurs décennies, sans que des personnages du passé et du présent n’apparaissent dans la même scène, comme cela est le cas dans la pièce.

Références biliographiques:

  1. Courtois, Lorence & Simon, Mary: „Incendies“ de Wajdi Mouawad, source: https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/incendies-de-wajdi-mouawad-0 [26.04.2020]

3) Analyse: Incendies

Il y a plusieurs manières d’analyser un drame comme Incendies. Nous pourrions par exemple l’analyser avec un accent sur la forme et sous le prétexte que la pièce rompt avec la forme classique de la tragédie selon Aristote. Mais pour l’œuvre de Wajdi Mouawad, qui évoque de manière répétitive le sujet du traumatisme et de l’identité (voir aussi l’article sur la biographie de Mouawad et la littérature de l’exil), une approche psychanalytique est beaucoup plus productive afin d’analyser les motifs centraux du drame. Dans cette analyse, nous suivons donc la structure et la méthodique d’une approche théorique qui s’appuie principalement sur les théories psychanalytiques de Sigmund Freud. Selon Freud, deux instances s’opposent dans l’esprit de l’homme : le conscient et l’inconscient. L’inconscient est la partie que l’homme n’est pas capable de contrôler. Il s’agit de tout ce que le « Je » refoule et de ses pulsions. Un autre antonyme psychanalytique oppose la réalité et la fiction. Dans l’analyse suivante d’un extrait du drame Incendies, nous mettrons en évidence les motifs principaux et nous les examinerons de plus près en nous référant aux principes psychanalytiques mentionnés.

La deuxième et la troisième scène du premier acte du drame, intitulées « Dernières volonté » et « Théories des graphes et vision périphérique » introduisent les personnages de Jeanne et Simon et le conflit du drame, qui est déclenché par la mort de Nawal. Nous apprenons que Nawal n’a jamais parlé à ses deux enfants Simon et Jeanne de son passé au Liban et de son traumatisme et qu’elle s’est même tue complètement les cinq dernières années de sa vie. La rupture interne qu’a signifiée pour elle l’ exil est restée inconsciente et indicible. Elle n’a pu en parler à personne. Ce n’est qu’après sa mort qu’elle commence à communiquer avec les jumeaux de manière diachronique, notamment par des lettres. La recherche de son identité et aussi de l’identité de ses enfants devient l’héritage de Nawal. D’après Freud, l’homme cherche son identité et « l’identité est ce qui reste toujours identique : le «Je». Il s’agirait dès lors de chercher l’identique dans la différence, de rechercher l’identité dans des doubles, des personnages fictifs ».[1] Le motif du double se trouve dans Incendies par la présence des jumeaux. Tous les deux partagent une même origine, ils font face à la même problématique d’identité, mais ils choisissent de traiter cette problématique de manière très différente. Simon choisit d’ignorer que sa mère a « brisé le silence » tandis que Jeanne veut savoir ce qui s’est passé. Ils sont les deux faces de la même pièce. C’est ce que nous observons particulièrement bien dans la scène trois, quand Wajdi Mouawad présente au spectateur les jumeaux dans leurs espaces habituels. Simon, le boxeur, est en train de boxer dans une salle de sport pendant que, parallèlement, Jeanne enseigne la haute-mathématique dans une salle à l’université. « La scène en effet se double et se dédouble, gémellaire, à partir des personnages des jumeaux […] [et elle fait apparaître] tous les décrochages à venir […] comme un double, un miroir ou une hantise de la scène ». [2] Le motif du double se retrouve aussi dans les deux pays (le Québec et le Liban), les deux temps (le passé et le présent) et les différents langues présente (Le français/le québécois et l’anglais). Simon incarne ce mélange de langue car il utilise de temps en temps l’anglais pour s’exprimer et pour renforcer sa colère (« Big deal » [3]; « You bet »[4]) ou des expressions québécoises (« Tabernak »[5]).

En recherchant leurs origines, les jumeaux sont tout à coup rattrapés par l’histoire de leur mère et, pour résoudre l’énigme, il faut qu’ils retracent la vie de leur mère. C’est une compulsion de répétition. En psychanalyse, Freud évoque les limites de l’exil. Géographiquement, il n’est pas possible de fuir son traumatisme inconscient. Mais la répétition est un moyen de rejouer l’exil afin de le réactualiser et de mieux le comprendre. Mouawad utilise quatre formes différentes de répétitions dans Incendies, que l’on retrouve notamment dans les scènes 17 et 18 intitulées « Orphelinat de Kfar Rayat » et « Photographie et autobus du Sud ». Il y a d’abord des répétitions d’action. Jeanne achète un billet d’avion pour se mettre à la recherche du passé de sa mère et en même temps sur scène, Nawal achète un billet d’autobus pour se mettre à la recherche du passé de Nihad. La répétition des actions du passé dans le présent se manifeste dans l’unité des espaces de temporalités différentes sur scène. Puis, il y a la répétition narrative. Des phrases-clés se répètent pendant le drame. « Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux » »[6], dit Nawal plusieurs fois et Jeanne le répète des années plus tard.[7] « La parole remplit donc également l’office d’embrayeur, abolissant la distance entre les personnages et tissant les scènes par les mots de Wahab qui le premier dans la fiction les prononce ».[8] Le médecin dans la scène 17 rappelle/évoquereflète le déroulement de la guerre civile au Liban. En intégrant et répétant aussi des évènements historiques comme cette guerre civile, Mouawad crée des frontières floues entre le réel et la fiction. Finalement, le drame nous offre des répétitions intertextuelles. En dissolvant l’identité commune du père et du frère des jumeaux, Mouawad offre une variation sur le thème d’Œdipe et place le traumatisme de Nawal dans une tradition plus ancienne.

Les répétitions de mots, d’évènements et d’actions, la concordance du passé et du présent sur scène, le motif du double … l’écriture d’Incendies permet à Wajdi Mouawad de rejouer son propre traumatisme sur scène. Il s’agit d’un travail presque autobiographique. « Son parcours personnel est donc marqué par l’exil, le déracinement et son corollaire, l’abandon de sa langue maternelle pour une autre langue. Wajdi Mouawad perd également sa mère encore adolescent ».[9] Le personnage de la mère, souvent le personnage qui meurt au début des drames de Wajdi Mouawad et qui introduit le conflit, symbolise le pays maternel, le pays et la langue natale de l’écrivain. La mort de Nawal et le sentiment de ne l’avoir pas connue, représente donc la distance des origines au Liban non seulement des jumeaux, mais aussi de Wajdi Mouawad lui-même. Le déplacement ou le transfert de l’exil dans la fiction, par le jeu en le jouant sur scène, peut permettre d’« enrayer la compulsion de répétition » [10] et de réconcilier le passé avec le présent. Wajdi Mouawad parle d’une « consolation impitoyable »[11] que la réalisation d’Incendies et le processus de l’écrire lui ont donnée.

Références bibliographiques

  1. Desiderio, Pauline : L’exil et la répétition dans l’œuvre de Wajdi Mouawad, quelles limites et frontières ?, dans: http://www.esquisses.eu/revue/wp-content/uploads/2017/04/Lexil-et-la-re%CC%81pe%CC%81tition-Pauline-DesiderioEsquisses-1.pdf, p. 6 (28.04.2020).
  2.  Coissard, Francoise (2014) : Wajdi Mouawad. Incendies. Études critique. Paris : Éditions champion, p. 69.
  3.  Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p.21.
  4.  Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p. 19.
  5.  Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, pp. 21, 23.
  6.  Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition, Montréal : Leméac Éditeur, pp. 63,24.
  7.  Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p. 63.
  8.  Coissard, Francoise (2014) : Wajdi Mouawad. Incendies. Études critique. Paris : Éditions champion, p. 71.
  9.  Rubira, Virginie (2014) : Les mythes dans le théâtre de Wajdi Mouawad et Caya Makhélé. Paris : Éditions Acoria, p. 95.
  10.  Desiderio, Pauline : L’exil et la répétition dans l’œuvre de Wajdi Mouawad, quelles limites et frontières ?, dans: http://www.esquisses.eu/revue/wp-content/uploads/2017/04/Lexil-et-la-re%CC%81pe%CC%81tition-Pauline-DesiderioEsquisses-1.pdf, p. 10 (28.04.2020).
  11.  Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p.10.

4) Test de connaissance

Testez vos connaissances:


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5) Exercice d’analyse no. 1

un exercice par Selen Y.

La scène 2 montre la rencontre entre le notaire Hermile Lebel et les jumeaux. En présence de Simon et Jeanne, Hermile Lebel proclame le testament que Nawal (la mère des jumeaux) leur a laissé. De ce fait, Simon et Jeanne apprennent l’existence d’un frère et d’un père, qui semble être encore en vie. Nawal décrit exactement comment elle veut être enterrée. Hermile Lebel a été nommé exécuteur testamentaire de Nawal Marwan.

Lisez l’extrait « le notaire ouvre l’enveloppe » (p. 16), puis répondez aux questions suivantes:

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6) Exercice d’analyse no. 2

un exercice par Victoria B.

Après avoir lu l’exemple de l’analyse psychanalytique, lisez le petit extrait de la scène 19 « Les pelouse de banlieue » (p.73) et la scène 20 « Le cœur du polygone » (p.73-74) et répondez aux questions suivantes.

  💡 L’extrait dans le contexte du drame: Le notaire Hermile Lebel vient de raconter à Jeanne et Simon, pourquoi leur mère Nawal avait une phobie des autobus : Pendant sa recherche de son fils Nihad au Liban, Nawal a été prise entre les deux fronts de la guerre civile lorsque des milices ont arrêté un autobus rempli de réfugiés et ont abattu et brûlé tous les passagers, y compris une mère et son enfant. Nawal n’a pu s’échapper qu’en s’identifiant comme non-réfugiée. Mais elle a vécu l’incendie de l’autobus de près et elle s’en souvient encore des décennies plus tard, quand elle partage ses mémoires avec Lebel.

Pour Jeanne cette histoire du passé de sa mère est le déclencheur de son départ au Liban pour rechercher la vérité sur le passé de sa mère.

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Tahar Ben Jelloun

par Nicoline F. et Klaudia P.

  1. 1) Biographie
  2. 2) Intermédialité
  3. 3) Les yeux baissés
  4. 4) Analyse: Les yeux baissés
  5. 5) Test de connaissance
  6. 6) Exercice d’analyse

1) Biogaphie

image 1: Tahar Ben Jelloun, photo: Claude Truong-Ngoc, CC-BY-SA 3.0 – https://t1p.de/b7g6

Tahar Ben Jelloun est un écrivain, poète et peintre franco-marocain et l’un des auteurs les plus importants de la littérature francophone. Né le 1er décembre 1944 à Fès au Maroc, Ben Jelloun a grandi dans un univers bilingue grâce à sa formation scolaire et ses études de philosophie en langue française. Par la suite, il commence sa vie professionnelle en tant qu’enseignant de philosophie au Maroc. Mais en raison de l’arabisation et parce qu’il n’est pas formé pour la pédagogie en arabe, il doit quitter son pays natal en 1971. Ben Jelloun s’installe à Paris, où il poursuit ses études de psychologie et de sociologie. Dès 1975, il travaille en tant que journaliste et écrivain, notamment pour le quotidien Le Monde et pour le mensuel Le Monde Diplomatique dans lesquels il écrit régulièrement des articles sur la littérature, la politique et les sociétés du Maghreb.

Depuis 1976, Tahar Ben Jelloun fait partie de l’Académie Mallarmé, une association littéraire fondée en 1937. En 1988, il obtient le Prix Goncourt pour son roman La Nuit sacrée. Tahar Ben Jelloun vit et travaille entre deux pays, à Paris et à Tanger,[1] ce qui se manifeste particulièrement dans ses textes comme dans ce roman, Les Yeux baissés (1991), qui raconte la vie d’une fille berbère qui vient de partir pour la France. Le roman aborde des thèmes tels que l’exil, le déchirement entre deux cultures et la quête identitaire, mais aussi des thématiques engagés comme la condition des femmes et les tabous. Face à une interculturalité qui acquiert de plus en plus d’importance dans notre monde mondialisé, la littérature contemporaine compte des auteurs tels que Tahar Ben Jelloun qui par leurs œuvres partagent leur expérience de la vie entre deux cultures. Ayant vécu dans différents pays, Ben Jelloun reflète dans » Les Yeux baissés », paru en 1991, les expériences, tantôt positives tantôt négatives, de l’immigration.

2) Intermédialité

Tahar Ben Jelloun exprime son talent non seulement en littérature, mais aussi en art. Depuis 2010 Ben Jelloun s’exprime visuellement en peignant des toiles. Son premier tableau a été montré en 2013. Ses œuvres se caractérisent par des formes simples et abstraites ainsi que par des coups de pinceau expressifs.[2] Par ailleurs, il emploie des symboles rappelant l’écriture arabe et évoquant l’identité culturelle du Maghreb. Semblables à ses romans, ses toiles se penchent sur la condition humaine et la relation de l’homme avec son environnement. Dans une interview, il précise ne pas être capable de visualiser le figuratif, parce qu’il ne veut pas recopier le réel. Au lieu de cela, il donne du réel une autre vision.

Alors que la plupart de ses tableaux portent un message de joie et d ’optimisme qui expriment la liberté, la toile nommée « 13 novembre 2015 » parle de sa colère et de sa rage face à l’attentat dans la rédaction du journal « Charlie Hebdo », qui a eu lieu alors qu’il était en train de finir cette œuvre. Ben Jelloun a versé par la suite rageusement de l’encre sur la toile, c’est-à-dire qu’il s’est laissé uniquement guider par ses émotions.

Références bibliographiques:

  1.  http://www.unionsverlag.com/info/person.asp?pers_id=99
  2.  https://www.lepoint.fr/culture/tahar-ben-jelloun-mon-13-novembre-25-11-2015-1984627_3.php

3) Les yeux baissés

Dans ce roman, Tahar Ben Jelloun s’essaie à un changement de perspective. Alors que ses œuvres précédentes (« L’Enfant sable », « La Nuit sacrée » et « Jour De silence à Tanger » se déroulaient uniquement au Maroc, l’action dans « Les Yeux baissés » se passe aussi bien au Maroc qu’en France. Il y narre le destin d’une petite fille berbère, Fathma, née dans un village du Haut Atlas. Dans le prologue, on apprend que Fathma est la gardienne du secret d’un trésor caché. Elle grandit sans amour dans une situation précaire, car son père émigre en France, tandis que sa mère est complètement absente. C’est ainsi que Fathma et son petit frère Driss sont sous la garde de leur tante Slima. Mais à cause de cette dernière, qui a le « mauvais œil », une malédiction pèse sur le village. Elle est bientôt responsable de la mort de Driss. Après cet assassinat, le père revient chercher sa famille et ils s’installent tous en France, où ils vivent dans le quartier multiculturel de la Goutte-d’Or à Paris. La protagoniste découvre alors un nouvel univers. Elle apprend à lire et à écrire mais elle est également confrontée à des actes racistes. Elle y fait un long apprentissage qui accompagne son déracinement culturel : Fathma se trouve soudain dans un territoire nouveau, un « troisième lieu » qui n’est ni sa terre natale ni un pays d’adoption.

3.1 Les Yeux baissés et la francophonie

Les Yeux baissés est le huitième roman de T.B. Jelloun et est considéré comme un roman de l’exil. La littérature de l’exil est un terme « pour toute littérature apparue au cours d’un exil forcé ou volontaire pour des raisons politiques, raciales, religieuses ou autres. ». En outre, l’auteur fait partie des écrivains francophones. Le roman Les Yeux baissés est représentatif à ce titre des littératures maghrébines. Les auteurs francophones ont commencé à avoir de plus en plus de succès dans les années 1980 et plusieurs d’entre eux ont été couronnés par le prestigieux Prix Goncourt.

4) Analyse: Les yeux baissés

À la suite des mouvements étudiants de la fin des années 1960, le champ littéraire a vu l’éclosion de nouvelles approches théoriques et méthodologiques. Les émeutes sociales ont notamment éveillé un intérêt croissant pour la condition féminine. Par conséquent, on a vu émerger de nombreuses théories féministes de la littérature à cette époque. Au fur et à mesure, la critique féministe s’est notamment donnée pour tâche l’analyse de la représentation des femmes. En effet, d’après les représentant.e.s féministes, les textes littéraires ont été – depuis des siècles – influencés par des idéologies patriarcales. La critique féministe de la littérature a donc pour objectif d’examiner la représentation de la condition féminine dans la littérature et de replacer ces observations dans leur contexte socio-culturel.[1] Les yeux baissés de T. Ben Jelloun fait partie de ces œuvres dont le thème central est la condition féminine. L’auteur y narre la vie d’une petite fille, nommée Fathma, qui quitte le Maroc pour s’installer avec sa famille en France et le texte fait sans ambiguïté référence à la construction du genre de la protagoniste dans un environnement binational. Le roman dévoile d’une part les défis et les enjeux de l’immigration tels que le racisme et d’autre part, l’évolution et les opportunités d’une jeune femme venant d’un pays aux structures patriarcales. Le passage suivant révèle comment la protagoniste reconstruit son identité après avoir affronté une nouvelle culture :

Je sais ce qu’il veut, il me l’a clairement dit un jour ; il me veut les yeux baissés comme au temps où la parole de l’homme descendait du ciel sur la femme, tête et yeux baissés, n’ayant pas de parole à prononcer autre que : « Oui, mon Seigneur ! » Il appelle ça de la pudeur, c’est regarder l’homme en face et confronter nos désirs et nos exigences. Si, aujourd’hui encore, l’homme monte sur le mulet et la femme suit à pied, si tout le monde trouve cela normal, pas moi.[2]

Afin que l’analyse soit compréhensible, il est d’abord nécessaire de donner un bref aperçu des rôles sociaux de genre au sein de la société marocaine. Comme nous l’avons déjà indiqué, la société marocaine est marquée par une forte domination masculine ou autrement dit par un fort patriarcat. L’origine du terme « patriarcat » est à chercher dans le grec ancien et signifie plus ou moins « chef de tribu », c’est-à-dire que l’homme est au sommet de la pyramide sociale, tandis que la femme lui est soumise.[3] La soumission de la femme est notamment représentée par son regard. Dans un premier temps, le motif des « yeux baissés », qui donne son titre au roman et témoigne ainsi de son importance, est décrit comme une expression de respect et de pudeur :

Et pourtant, leur amour est solide ; sa force est dans cette beauté intérieure, discrète et jamais nommée. Il est tout entier dans un geste : les yeux baissés. [4]

Mais en même temps, les yeux baissés privent la femme de toute forme d’autodétermination. Pensons à l’allégorie qui décrit le regard en tant que reflet de l’intériorité de l’individu, c’est-à-dire moyen d’expression du fond de l’âme : « les yeux baissés » empêchent de fait cette forme d’expression individuelle, ce qui révèle par ailleurs le manque de liberté d’expression. C’est la raison pour laquelle le geste de baisser les yeux est connoté négativement chez Ben Jelloun. Revenons au passage central de l’analyse. La narratrice se rend compte de son identité féminine et nie ce rôle sexuel qui lui est imposé. Le thème du regard sert ainsi de fil conducteur dans le roman car il est dirigé contre les traditions et normes conservatrices de la société maghrébine et brise les tabous établis. En conclusion, ce passage exprime la révolte contre la discrimination des femmes, non seulement de Fatma, mais aussi de toutes les femmes grâce à la voix narrative qui permet de se mettre à la place de la protagoniste et montre que l’auteur s’engage pour son émancipation.

Références bibliographiques:

  1.  Gymnich, Marion 2010 : « Methoden der feministischen Literaturwissenschaft und der Gender Studies » dans Nünning, Vera (éd.) : Methoden der literatur- und kulturwissenschaftlichen Textanalyse: Ansätze – Grundlagen – Modellanalysen. Stuttgart: Metzler, 2010, pp. 251-253.
  2. 2 Ben Jelloun 1991 : Les Yeux baissés. Paris : Éditions du seuil, p 274.
  3. 3 https://www.dwds.de/wb/Patriarchat (dernier accès 23/06/2020)
  4. 4 Ben Jelloun 1991: p. 146.

5) Test de connaissance

Testez vos connaissances:

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6) Exercice d’analyse

Un exercice par Nicoline F. et Klaudia P.

Lisez l’extrait attentivement et répondez aux questions suivantes. Justifiez votre choix:

« En fait, je fabrique tout un monde à partir de figures qui m’ apparaissent sur fond de ciel ou entre les branches de l’arbre : des animaux sauvages que je dresse,  des hommes que j’aligne  en haut d’une falaise, je les observe réduits à néant par la peur ; je ne fais que les épier ;  je ne les pousse pas ;  des oiseaux de proie dont j’adoucis les traits ;  des nuages qui simulent la folie, des arbres qui se renversent, d’autres montent au ciel ; de là, je convoque le visage ingrat de Slima. C’est ma tante. Elle ne m’aime pas ; je la déteste. Mon père m’a laissé chez elle en partant travailler à l’étranger. Il m’a promis de revenir me chercher. Je l’attends. C ‚est pour cela aussi que je monte dans les arbres. Je scrute l’horizon et la piste, espérant le voir arriver un jour. Ma mère est souvent chez ses parents. Ils habitent de l’autre côté de la colline. Elle est enceinte et ne peut pas s’occuper de moi. Lorsque ma tante se proposa de m’accueillir chez elle, je ne voulais pas la suivre. Je savais qu’elle allait me maltraiter. Donc, assise confortablement sur la branche maîtresse de l’arbre, je fais venir à moi, plus exactement sur l’écran du ciel que je vois entre les feuilles, la figure hideuse de Slima. Je décide qu’elle est laide. C’est de l’argile malléable. Je fais deux trous à la place des yeux et une grande déchirure horizontale à la place de la bouche. Le nez est coupé. Avec mes pieds, je donne des coups jusqu’à ce que tout se confonde et qu’on reconnaisse aucune forme humaine. Pourquoi la laideur de l’âme s’échappe-t-elle du coffre intérieur et couvre-t-elle le visage ? La laideur physique ne me fait pas peur. C’est l’autre chose que je crains parce qu’elle est profonde, elle vient de tellement loin. Sur le visage, elle s’affiche et fait le malheur. […] Ma tante avait la haine dans les yeux. » (p.13f.)

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