Né le 24 novembre 1927 à Togobada en Guinée, Ahmadou Kourouma est l’aîné de sa famille et grandit à Boundiali au nord de la Côte d‘Ivoire, chez son oncle maternel comme le veut la tradition malinkée. Après avoir refusé de s’engager en Côte d’Ivoire contre le mouvement de libération « Rassemblement Démocratique Africain », Kourouma a dû faire un service militaire en Indochine entre 1950 et 1954. De 1955 à 1960, il étudie les Mathématiques en France. Après que la Côte d’Ivoire est devenue indépendante de la France en 1960, Kourouma peut retourner dans son pays d’origine. Il y travaille alors comme actuaire, interprète et journaliste. Comme il critique le système de parti unique gouverné par le dictateur Félix Houphouët-Boigny, il est presque emprisonné mais s’en sort de justesse en épousant une Française. Il s’installe en Algérie de 1964 à 1969 puis séjourne au Cameroun et au Togo entre 1969 et 1994 à la suite de la publication d’une pièce de théâtre critique. En 2000, il publie son quatrième livre « Allah n est pas obligé » qui reçoit deux prix littéraires. Pendant la guerre civile en Côte d’Ivoire qui éclate en 2002, Kourouma se bat pour la paix et contre l’ivoirité. Ce concept lancé par le régime pour unir les ivoiriens après la colonisation divise finalement la société et cause beaucoup de conflits. Kourouma décède le 11 décembre 2003 à Lyon en France. En Afrique, il est aujourd’hui reconnu comme un auteur très important.
2) « Allah n’est pas obligé »
Dans cette œuvre nous suivons les péripéties d’un jeune garçon qui se retrouve enfant-soldat et va conter ses mésaventures dans trois pays (la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone). En nommant plusieurs chefs de guerre réels, Ahmadou Kourouma choisi la transparence et se veut honnête avec ses lecteurs. Son mode de narration est marqué par des parenthèses contenant des entrées de dictionnaires. Cette technique pour le moins originale a pour but non seulement de donner le terme exact sont on a besoin mais aussi de réhabiliter les langues de la périphérie (dialectes africains du français, pidgins) en proposant une ouverture culturelle. Les répétitions constituent une autre particularité stylistique de l’œuvre. Ce point commun avec l’oralité correspond au souhait de Kourouma de rester authentique. Il réussit ici encore une fois un métissage textuel qui reste une donnée incontournable de son écriture.
Références bibliographiques:
Chiuwe, Jane Okolo: „L‘esthétique de l‘espace dans Allah n‘est pas obligé d‘Ahmadou Kourouma.“ International Journal of humanities and cultural studies, Volume 3, Issue 2 (2016), 445-455.
Cressent, Armelle: „Kourouma ou les errements du témoin africain dans l’impasse de l’histoire.“ Études françaises 42 (3), 123–141.
Gassama, Makhily: „La langue d‘Ahmadou Kourouma ou le francais sous le soleil d‘Afrique.“ Research in African Literatures, Vol. 28 No. 1 (1997), 203-204.
Marie-Henri Beyle, qui est mieux connu sous le pseudonyme de Stendhal, est né en 1783 à Grenoble. A six ans, il perd sa mère bien-aimée. Ses deux sœurs et lui restent seuls avec leur père, un avocat et petit bourgeois très religieux et strict. Cette perte pèse sur le jeune Stendhal, surtout lorsque son père commence une liaison avec la sœur de sa mère alors qu’Henri est élevé la plupart du temps par un abbé et précepteur qu’il déteste autant que son père. Pendant cette période, il est imprégné d’un sentiment de révolte qui influence sa vie et ses œuvres ultérieures. Heureusement, il a une très bonne et aimable relation avec son grand-père maternel qui l’initie à la littérature. En 1799, Stendhal quitte son domicile pour passer le concours de l’École Polytechnique à Paris, mais au lieu d’y participer, il envisage de devenir auteur de comédies et il commence à écrire des pièces de théâtre. De plus, il fait la connaissance de quelques prostituées, par lesquelles il est plusieurs fois infecté par certaines maladies. En 1800, Stendhal est envoyé à Milan en Italie pour suivre la grande armée napoléonienne. Là-bas, il tombe follement amoureux de ce pays. Dans ses notes, il décrit la richesse de la culture de la ville italienne de Florence et y relate son admiration renversante pour celle-ci. Cette admiration fera naître chez lui un état psychologique caractérisé par des attaques de panique, des hallucinations et d’autres symptômes causés par un excès de sollicitations artistiques, que l’on nommera le « syndrome de Stendhal ». Jusqu’en 1813, Stendhal reste au service de l’armée où il occupe diverses fonctions administratives. Durant cette période, il découvre l’opéra et il voyage beaucoup.
2) Stendhal et le réalisme
Stendhal est l’un des premiers représentants du réalisme, une époque littéraire du 19ème siècle. Le réalisme s’est particulièrement détourné du romantisme sous l’impulsion de différents bouleversements historiques. Ce courant traite des problèmes sociaux du monde réel et de la vie quotidienne du peuple et critique l’état des rapports sociaux. Pour ce faire, les écrivains abordent des thèmes typiques comme l’échec d’une ascension sociale, l’affrontement des classes ou l’impossibilité de l’amour que l´on retrouve également dans le roman réaliste ”Le Rouge et le Noir” de Stendhal.
En 1814, à la chute de Napoléon, Henri Beyle s’installe à Milan et invente son pseudonyme « Stendhal ». Il tombe éperdument amoureux d’une femme, pour laquelle il rédige l’essai « De l’Amour » en 1822, mais qui ne rencontre aucun succès auprès du public. En 1827, Stendhal publie son premier roman « Armance », puis son roman le plus connu « Le Rouge et le Noir » en 1830. Un personnage important dans « Le Rouge et le Noir » est Mathilde, que Stendhal a nommé du nom de son amour le plus malheureux, Mathilde Dembowski. Stendhal commence plusieurs romans qu’il n’achève pas, mais en 1839, il publie son grand succès « La Chartreuse de Parme ».
3.1 La réception de son œuvre
La réception publique de ses œuvres à cette époque a été un assez grand succès, mais il a également généré des controverses à cause de sa critique de la société de la Restauration, de l’amour, de l’hypocrisie et d’autres conventions sociales. Stendhal n’est devenu plus connu qu’après sa mort d’une attaque d’apoplexie en 1842 à Paris. Plusieurs de ses œuvres ont été adaptées au théâtre et au cinéma et l’auteur est maintenant reconnu comme l’un des plus importants représentants du réalisme.
Charles Baudelaire, né à Paris le 9 avril 1821 et mort à Paris le 31 août 1867, est un écrivain, poète et critique français. Auteur de nombreux poèmes et de textes de critique d’arts, qui sont publiés au milieu du XIXe siècle, Baudelaire est quasiment ignoré par ses contemporains.[1] Pourtant, son œuvre est citée dans la plupart des canons littéraires d’aujourd’hui et il est l’un des poètes les plus importants de la littérature française. Il est considéré, notamment pour son recueil de poèmes Les fleurs du mal, comme un précurseur du mouvement littéraire du symbolisme et comme un avant-gardiste de la modernité.[2]
Fils de François Baudelaire (*1757 † 1827) et Caroline Dufays/Aupick (*1793,†1871), Charles Baudelaire grandit d’abord à Paris. Son père est peintre et il décède alors que Charles Baudelaire a cinq ans. Sa mère se remarie en 1828 avec le Génèral Jaques Aupick. Tandis que le père de Baudelaire est un amateur des idéaux des Lumières et lui-même un artiste, le Géneral Aupick, hostile envers Charles, lui prodigue une éducation autoritaire. À cause de la carrière de son beau-père, Charles Baudelaire doit plusieurs fois déménager de Paris et Lyon, et vice-versa. Après des études secondaires à Lyon, il est exclu du lycée à Paris en 1839, à cause de son indiscipline et de son comportement contestataire.[3] Néanmoins, grâce à la ténacité de son beau-père, il réussit à passer le baccalauréat, bien qu’il obtienne de mauvaises notes. Il s’inscrit ensuite à la faculté de droit en 1840, mais il n’assiste à aucun cours. Ensuite, Baudelaire mène une vie marginale et de bohème dans le Quartier latin à Paris et il se comporte en dandy. En fréquentant des débits de boisson, des théâtres et aussi des maisons closes, et en achetant des vêtements luxueux, il accumule les dettes. Par ailleurs, il a une liaison avec une prostitué et il attrape la syphilis. Ses parents sont désespérés à cause du comportement de leur fils, par conséquent le rapport avec sa mère s’aggrave.[4] Sous la pression de sa famille et notamment sous l’influence du Général Aupick, il est contraint d’embarquer pour les côtes d’Afrique et de l’Orient en 1841. Pendant ce voyage de 18 mois, il est inspiré par la nature tropicale et l’environnement exotique. Il commence à écrire ses premiers poèmes, qui seront publiés plus tard dans le recueil de poèmes Les Fleurs du Mal.[5] De retour de voyage, il décide de reprendre sa vie de dandy et de s’adonner à la littérature. Il obtient und part d’héritage de ses parents mais il en dépense la moitié pour les drogues, l’alcool et pour son apparence extérieure avant que ses parents ne décident de le déshériter ultérieurement. Ensuite, il vit dans la pauvreté.[6] En 1842, il fait la connaissance de l’actrice Jeanne Duval, qui devient son amante et sa muse jusqu’en 185 . Il a parallèlement une liaison avec l’artiste Apollonie Sabatier.[7] Entre 1845 et 1856, essayant de s’établir comme écrivain, il n’a pas beaucoup de succès. De temps en temps, il réussit à publier des poèmes ou des nouvelles dans des magazines de littérature comme la nouvelle Le jeune enchanteur et La fanfarlo (1846,1847). En outre, il rédige des récits sur les expositions d’art et il publie des œuvres de critique d’art (par exemple le Salon de 1845) dès 1845.[8] Il traduit l’œuvre d’Edgar Alan Poe, son idole en littérature, et il publie les traductions de ses récits en 1856 afin que le public français découvre l’écrivain américain.[9] En 1856 encore, à l’âge de 36 ans, Baudelaire publie son recueil de poèmes Les Fleurs Du Mal. Bien qu’il devienne un peu plus reconnu comme auteur et critique d’art au cours de ces dernières années, ses problèmes financiers s’aggravent. Marqué par les drogues et les maladies, son état de santé se dégrade rapidement : il est bientôt paralysé et sa mère le fait soigner à l’hôpital. Ayant mené une vie marquée par l’échec, la pauvreté, la dépression et beaucoup de désillusions, Charles Baudelaire meurt en 1867 à l’âge de 46 ans.[10]
image 1: Frontispice de la première édition des Fleurs du mal annotée par Baudelaire.
2) Les fleurs du mal
Le recueil de poèmes Les fleurs du mal contient la production lyrique de Charles Baudelaire de 1840 jusqu’à sa mort en 1867, autant dire que le recueil de poèmes représente presque la totalité de la production lyrique publiée de l’auteur.[1]
1. La Perception de l’œuvre au XIXe siècle 2. La structure de l’œuvre 3. Les sujets et motifs principaux dans Les fleurs du mal 4. La catégorisation de l’Œuvre: – Les fleurs du Mal, le romantisme et le naturalisme – Les fleurs du Mal et le Symbolisme – Les Fleurs du Mal et la Modernité 5. Adaptation musicale: Les fleurs du mal chantées par Léo Ferré 1857-1957
La Perception de l’œuvre au XIXe siècle: La Publication, La censure et la re-publication
Publié d’abord le 23 août 1857 par l’éditeur Auguste Poulet-Malassis, le recueil de poèmes Les fleurs du Mal de Charles Baudelaire scandalise la société bourgeoise par son immoralité. À cause de la crudité du langage et de l’originalité des thèmes, Baudelaire est attaqué en août 1857 pour outrage à la religion et aux bonnes mœurs.[2] Accusé d’être un provocateur et de blasphémer, il est condamné à payer une amende de 400 francs dans une procédure judiciaire. En outre, six poèmes de la première version du recueil de poèmes sont censurés. De 1861 à 1867, l’œuvre est rééditée dans trois versions différentes, dans lesquelles Baudelaire ajoute de nouveaux poèmes.[3]
La structure de l’œuvre
Sur la base de la censure et des re-publications, il y a aussi des changements dans l’ordre des poèmes, de même qu’il y a une structure transformée dans chaque version du recueil de poèmes. Cependant, les structures se révèlent comme une composition réfléchie de l’auteur.[4] La dernière version contient 136 pièces arrangées en six parties différentes: Spleen et Idéal (85 poèmes), tableau parisiens (16 poèmes), Le Vin (5 poèmes) Fleurs du Mal (12 poèmes), Révolte (3 poèmes), La Mort (6 poèmes).[5] Beaucoup de poèmes sont rédigés sous forme de sonnet, un format de poème qui est aussi renouvelé par Charles Baudelaire.[6]
Les sujets et motifs principaux dans Les fleurs du mal
Dans les 163 poèmes Baudelaire présente des sujets différents, qui, pourtant, peuvent être catégorisés en quelques motifs principaux. La première partie, Spleen et Idéal, explore les états d’âme du poète, entre ennui du quotidien et recherche d’un idéal impossible à atteindre. Elle est suivie par Tableaux parisiens – une partie qui est consacrée au Paris moderne et à sa foule bizarre et insolite. Les quatre parties suivantes – Le Vin, Révolte, La Mort et Voyage – prolongent cette tentative d’extraire la beauté du Mal et établissent de manière forte une dichotomie ‚grotesque/’sublime‘.[7] Notamment dans Spleen et Idéal, le moi lyrique se produit comme un sujet contradictoire déterminé par le spleen et par les fantasmes inaccessibles et injoignables.[8] Ainsi, les motifs principaux y sont le rêve, le voyage, la décadence et la dégradation qui s’aligne dans ce contexte. En outre, la vie urbaine dans la grande ville moderne (Paris) se révèle comme un motif important (voir: 4.3.Les Fleurs du Mal au vu de la Modernité) tandis que la biographie de Charles Baudelaire et son voyage en Afrique servent d’appui pour son évocation du motif de l’exotisme. En outre, le motif dominant de la mort, de même que le langage visuel morbide et obscure dans Les Fleurs du Mal se présentent également comme des références à l’itinéraire biographique sinistre de l’auteur.
La catégorisation de l’Œuvre: entre le mouvement littéraire du romantisme, du symbolisme, et la Modernité
L’œuvre Les fleurs du Mal est souvent catégorisée dans les mouvement littéraires du romantisme postérieur et du symbolisme. Mais l’œuvre se présente avant tout comme le point de départ à la Modernité, notamment par rapport à la poésie lyrique.[9]
Les fleurs du Mal, le romantisme et le naturalisme
Au milieu du XIXème siècle, quand Les Fleurs du Mal est publié, le mouvement littéraire prédominant est le naturalisme. L’idéal principale des naturalistes est le regard objectif sur le monde: ils veulent expliquer la Nature avec les lois scientifiques, de même qu’ils visent à la description exacte de l’homme qu’ils voient comme fortement déterminé par son environnement.[10] Cependant, dans les poèmes de Les Fleurs du Mal, Baudelaire s’oppose à cette vision objective, absolument réaliste et scientifique. En analysant les motifs principux, nous pouvons constater une conception plus spirituelle du monde, qui ressemble plutôt à celle du romantisme. La conception du monde des écrivains romantiques est également marquée par l’obscurité mystique, influencée par l’idéalisation des mondes irréels (comme le rêve) : l’homme est aussi vu comme un sujet contrôlé par le désir, la folie et il y a une fascination envers le dérèglement de sens. Vu sous cet angle, nous pouvons voir dans Les fleurs du Mal des aspects d’une poursuite et d’une modernisation du romantisme.[11] Il y a néanmoins des différences déterminantes entre l’esthétique baudelairienne et celle des écrivains romantiques, notamment sur le plan de la conception du beau et dans le contexte de l’idéalisation de l’artificiel.
Les fleurs du Mal et le Symbolisme
Charles Baudelaire est aussi considéré comme le précurseur du symbolisme, un mouvement littéraire qui se développera seulement à la fin du XIXe siècle autour des écrivains comme Rimbaud, Verlaine et Mallarmé, c’est-à-dire après la mort de Baudelaire. Rimbaud notamment admettra la grande influence de Les Fleurs du Mal sur son œuvre. Comme Baudelaire, les symbolistes ont également une conception spirituelle du monde. Ils s’opposent, comme Baudelaire, au positivisme et ils veulent rompre avec les certitudes matérialistes et scientifiques du naturalisme. Par contre, ils veulent trouver d’autres moyens d’expression pour dépasser la simple représentation réaliste. Afin d’exprimer de nouvelles sensations, le rôle de la langue devient plus important : dans les poèmes baudelairiens, le symbolisme découle de des moyens empruntés à la philosophie du Parnasse et à L’Art pour L’Art.[12] Au niveau des moyens stylistiques, les symbolistes utilisent des symboles, autant le préciser: des images et des analogies pour évoquer le monde, suggérer les états d’âme et les idées abstraites sans les expliciter alors que la pensée logique exploite les données du réel.[13] À propos des poèmes de Les Fleurs du Mal, nous voyons que cela est aussi une technique de l’auteur. Baudelaire utilise beaucoup de symboles en créant de nouvelles associations, au point que des symbolistes en feront leur idole. C’est aussi la raison pour laquelle Baudelaire est considéré comme un avant-gardiste du symbolisme.
Les Fleurs du Mal et la Modernité
Dans la mesure où la poésie lyrique du symbolisme est considérée comme le point de départ de la Modernité, l’œuvre Les fleurs du Mal nous présente quelques qualités stylistiques qui représentent la Modernité en particulier. Le titre de ce recueil de poèmes nous fait déjà comprendre comment Baudelaire manifeste une perspective non conventionnelle en mêlant le beau (les fleurs) au mal ou le bien au démoniaque.[14] Il rompt avec la cohérence du beau et avec l’idéalisation de la nature, telle qu’elle est pratiquée par les écrivains romantiques par exemple. Baudelaire nous y présente une nouvelle conception du beau, en manifestant une esthétique de la laideur, que l’on retrouve tout au long de Les fleurs du Mal. En établissant cette subversion esthétique, qui apprécie l’artificiel, il se révolte aussi contre la société bourgeoise.[15] Au niveau des moyens stylistiques dans Les fleurs du Mal, Baudelaire crée un univers hermétique en utilisant des symboles et des images paradoxales, qui évoquent une inquiétude. Par conséquent, Baudelaire y manifeste un motif distinctif de la Modernité: l’ambivalence du sujet.[16] Au niveau de la perspective qui est établie dans les poèmes de Les fleurs du Mal, Baudelaire se révèle aussi comme moderniste. En exacerbant le rêve, l’imaginaire, le paysage intérieur, et l’association, Baudelaire révolutionne la perspective de la subjectivité, qui sera également explorée par les avant-gardistes du XXe siècle (p.e. par les surréalistes). Un autre aspect sur le plan de la Modernité est le thème du sujet face à l’urbanisation que l’on retrouve dans beaucoup de poèmes de Les Fleurs du Mal. Au vu de la modernisation, de l’urbanisation et au progrès technique en hausse qui caractérisent le milieu du XIXe siècle, Baudelaire est le premier poète français qui traite la grande ville comme un objet artistique en poésie. L’homme est exposé à l’accélération moderne du monde, en même temps qu’il est met en question sa singularité mise à mal par les foules urbaines et par rapport à la fugacité de la grande ville.[17] Dans son essai Le peintre de la vie moderne, publiée en 1863, Charles Baudelaire définit le terme de la modernité au regard de l’art : La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et immuable[18] Dans cette citation l’auteur décrit quelques critères essentiels de l’esthétique moderne qui sera introduite dans les décénies suivantes. En conséquence, Baudelaire est vu aussi comme un précurseur de la Modernité.
Adaptation musicale: Les fleurs du mal chantées par Léo Ferré 1857-1957
100 ans après la première publication du recueil de poèmes Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, le chansonnier Léo Ferré sort l’album Les Fleurs du mal chantées par Léo Ferré 1857-1957 en 1957, distribué par Odéon. Il s’agit du premier album de chanson française entièrement consacré à un poète. L’album se compose de douze pièces qui sont extraites de Les Fleurs du Mal. Il met en musique aussi trois des six poèmes qui étaient censurés.[19]
La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et immuable [1] Dans cette citation, que nous avons également vue dans l’article sur l’œuvre Les fleurs du mal, l’auteur décrit quelques qualités de la Modernité par rapport au transitoire, au fugitif et au contingent. En analysant la production lyrique de Charles Baudelaire, nous pouvons trouver aussi ces motifs dans quelques poèmes de Les Fleurs du Mal. Pour examiner quelques-uns de ces aspects modernistes et pour montrer dans quelle mesure Charles Baudelaire est un précurseur de la Modernité, nous allons analyser ici le poème A une passante. D’abord publié en 1860 dans la revue L’artiste, ce poème se trouve également dans la deuxième édition du recueil de poèmes Les fleurs du mal.
Extrait d’analyse:
À UNE PASSANTELa rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet; Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.Un éclair... puis la nuit! — Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
Analyse
Au niveau de la structure du poème, nous pouvons constater que A une passante est rédigé sous forme de sonnet – un format lyrique très régulier, qui se compose de quatre strophes. Les deux premières strophes se composent de quatre vers – de quatrains. Les deux dernières strophes sont regroupées en tercets (trois vers par strophe). Nous pouvons observer aussi cette régularité au vu du mètre: hormis les vers 5 et 6, tous les vers sont des alexandrins (douze syllabes par vers).[2] L’impression d’ordre offert par la forme produit une première impression de calme et est en forte opposition avec le contenu du poème, qui nous présente de manière distincte le motif de l’inquiétude. Si l’on se réfère à la définition de la Modernité par Baudelaire, nous pouvons ainsi trouver des motifs du transitoire, du fugitif, et du contingent qui font office dans le poème de fil conducteur. D’abord, nous pouvons trouver ces motifs au niveau de la langue. En analysant les champs lexicaux du poème, nous pouvons voir comment ces motifs du transitoire et du fugitif sont déjà introduits dans le premier vers, au moment-même où le moi lyrique se manifeste comme le locuteur du poème. La rue assourdissante autour de moi hurlait. Les sèmes «rue», «assourdissante» et «hurlait» correspondent au champ lexical du transitoire et du fugitif et ils introduisent le motif de l’inquiétude. Parallèlement, le premier vers plante le décor d’une grande ville où les événements qui suivent se déroulent. Cette scène moderne de la grande ville est aussi fortement associée au bruit, à l’agitation, et aux foules. Même si le locuteur ne décrit pas les qualités de cette grande ville de manière précise, nous voyons que cet environnement détermine aussi l’entrevue avec la femme dont il parle. Cette entrevue est également fortement marquée par la fugacité, comme nous voyons déjà dans le vers trois où la figure féminine est introduite: Une femme passa Le verbe «passer» décrit un mouvement et relève de nouveau du champs lexical de la fugacité. La femme semble marcher rapidement, tout en soulevant et balançant «le feston et l’ourlet».(Vers quatre) Dans les vers suivants, la femme est caractérisée par la perspective du moi lyrique et nous constatons aussi que cette description correspond au motif de l’inquiétude. En analysant les adjectifs qui décrivent la passante, nous voyons d’abord qu’elle est associée à la beauté : Elle est «longue», «mince» et «majestueuse» (Vers 2), elle est dotée «d’une main fastueuse», et elle est «noble et agile» (Vers 5). Pourtant, bien qu’elle représente le plaisir pour le moi lyrique, elle représente aussi la douleur: elle est «en grand deuil», elle est marquée par «la douleur».(Verse 2) Cette opposition – qui évoque encore une fois l’inquiétude – est renforcée dans les deniers deux vers de la deuxième strophe. Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan, Dans ce vers, la passante est même associée par le moi lyrique, qu’il l’admire pourtant, à une atmosphère menaçante. Le dernier vers de la deuxième strophe montre encore une fois l’essentiel de cette relation contradictoire: La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Dans ce vers, le plaisir est lié à la mort – un paradoxe très fort, qui nous permet encore une fois d’illustrer la nouvelle conception du beau de l’auteur. (voir 4.3. Les fleurs du Mal au vu de la Modernité. En examinant de manière plus approfondie la description de la femme, nous observons qu’elle est aussi décrite comme une «fugitive beauté» (Verse 9 ) au début de la troisième strophe. Nous pouvons donc constater que cette femme se manifeste comme l’incarnation de la fugacité dans le décor moderniste de la grande ville.[3] Plus loin encore, la passante est pour le moi lyrique comme «un éclair» dans la nuit (Vers 9). Tout en convoquant de nouveau la métaphore de la fugacité, cette image montre la femme comme une puissance naturelle, qui illumine pendant un bref moment la réalité du moi lyrique. Pourtant, la femme n’a pas de nom et la description de son physique est très vague. Par conséquent, la passante reste une étrangère. Le bref moment de son apparence est aussi le moment de sa disparition. Le moi lyrique est confronté à ce paradoxale insoluble tout en devenant prisonnier de sa fascination contradictoire.[4] Dans ce contexte, les deux dernières strophes traitent du désespoir et de la désillusion du moi lyrique au vu de cette relation contradictoire. Quand la femme est passée, le moi lyrique se demande s’il pourra revoir cette femme seulement dans l’éternité, bien qu‘ il sache que cela sera trop tard. En outre, il lui reste l’incertitude des retrouvailles. («jamais peut-être! – Verse 12) Dans la mesure où la passante reste une étrangère, elle devient une projection du désir du moi lyrique. Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais ! L’utilisation du conditionnel dans le dernier vers du poème souligne encore une fois l’impossibilité de résoudre le paradoxe. Ces vers ponctués par des points d’exclamation soulignent l’émotion désespérée du moi lyrique. Pourtant, la «fugitive beauté» reste toujours liée à la douleur, de même que le désir de ce dernier restera vain. La passante n’est qu’un fantasme dans une grande ville agitée. Pour conclure, nous pouvons constater que A une passante est un très bel exemple pour examiner les éléments modernes que Baudelaire décrits dans la citation mentionnée. La grande ville, qui est aussi le symbole de la Modernité, de même qu’elle est le symbole de l’industrialisation et de l’urbanisation du XIXème siècle, se révèle comme le décor du poème. Face à cette urbanisation, le sujet moderne devient un étranger. Il est confronté à l’aliénation de son environnement et de ses proches.[5] Dans ce contexte, nous avons vu de manière très claire comment Baudelaire met en scène le transitoire, le contingent, le fugitif au travers de l’expérience du moi lyrique et de sa rencontre fugitive avec la femme. Après avoir analysé le poème, nous pouvons comprendre un peu mieux pourquoi Charles Baudelaire est considéré comme le précurseur de la Modernité. De nos jours A une passante est aussi un des poèmes les plus connus de Charles Baudelaire et est également vu comme un cas d’école de la Modernité et de la poésie lyrique moderne en général.
Pierre Corneille ou « le Grand Corneille » est un dramaturge et poète français. Corneille est né en 1606 à Rouen en Haute-Normandie et est le premier des six enfants d’une famille bourgeoise. Comme son père, il devient avocat et à dix-huit ans, il commence à travailler au parlement de Rouen en tant qu’avocat. Même si Corneille fait des études de droit, sa véritable passion depuis sa jeunesse est la littérature : sa première comédie, Mélite, devient un grand succès en 1629 et encourage le jeune auteur à écrire la tragi-comédie Clitandre et des comédies tels que La Place royale ou l’Amoureux extravagant. Avec Médée, il écrit sa première tragédie en 1635. En 1636, il rédige deux œuvres qui montrent son indépendance littéraire : L’Illusion comique est un mélange de différents styles et comme le cardinal Richelieu s’oppose au duel, Le Cid avec ses deux duels est considéré un affront contre le cardinal. Par ailleurs, Le Cid marque un changement par rapport aux premières comédies de Corneille s’inspirant des modèles espagnols : désormais ses tragédies seront basées sur l’histoire romaine comme l’illustrent Horace, Cinna, Polyeucte, Pompée et Rodogune. La fin de la carrière de Corneille se distingue par le fait que Corneille est remplacé par Jean Racine, un dramaturge plus jeune avec des idées plus innovatrices. Corneille meurt en 1684 à Paris.
2) La réception de son œuvre
Un motif important dans toutes ses œuvres est le conflit entre les sentiments et le devoir – voilà pourquoi on parle toujours de « choix cornélien » pour désigner un choix entre ces deux valeurs. Pour Corneille, il est important de capter l’air du temps – quand les tragi-comédies ne sont plus en mode, Corneille fait évoluer Clitandre et Le Cid en tragédies. Pourtant, à l’époque de Corneille, il y a beaucoup de controverses sur ses œuvres. A une échelle internationale, Pierre Corneille et ses œuvres sont des modèles pour certains écrivains allemands, notamment pour Gotthold Ephraim Lessing qui fait des œuvres de Corneille un sujet central dans ses analyses du classicisme.
3) Corneille et la doctrine classique
Au XIIe siècle en France, la littérature reprend les codes esthétiques de l’Antiquité – le « classicisme » est fondé sur la raison et l’ordre. Aristote devient le garant de cette régularité et ainsi le poète est considéré comme un imitateur de la nature. Son œuvre doit ainsi suivre les règles de la vraisemblance et de la bienséance et elle doit être en accord avec les trois unités : action, lieu et temps. Après son grand succès avec Le Cid, Corneille publie un poème avec le titre Excuse à Ariste, qui constitue un manifeste de l’autonomie. Sa lettre déclenche un grand débat et une profonde analyse du Cid – ou on l’accuse d’avoir ignoré les règles de la tragédie classique. La Querelle du Cid représente une étape importante pour imposer la doctrine classique.
Références bibliographiques:
Bénichou, Paul (2002): «Le héros cornélien», in Morales du Grand Siècle, Paris, Folio Essais.
Corneille, Pierre : Le Cid Französisch/Deutsch, hg. von Hartmut Köhler. Stuttgart, 12020 Guichemerre, Roger (1981): La tragi-comédie, Paris, PUF, coll. «Littératures modernes».
Gustave Flaubert naît le 12 décembre 1821 à Rouen, où dès sa jeunesse, il commence à écrire des nouvelles et des romans. En 1841, il commence des études de droit à Paris, mais en raison d’une maladie nerveuse et de crises d’épilepsie, il abandonne ses études et revient à Rouen. Flaubert s’installe ainsi à Croisset en 1844. Successivement, son père et sa jeune sœur décèdent, lui permettant grâce à l’héritage qu’il reçoit, de se consacrer à l’écriture. De 1851 à 1856, il écrit Madame Bovary, sa toute première œuvre, pour laquelle il s’inspire d’un fait divers. L’auteur publie ce roman en 1857 et celui-ci fait scandale. Pour écrire Salammbô, publié en 1862, il voyage en Tunisie pour visiter Carthage. Sept ans plus tard, en 1869, paraît L’Éducation sentimentale, qui est peu admirée. Le roman le plus apprécié devient alors Trois Contes, publié en 1877. Gustave Flaubert devient dès lors l’un des stylistes les plus célèbres de la littérature française. Toutefois, sa santé empire, ce qui conduit à son décès en 1880 à Croisset, en raison d’une hémorragie cérébrale.
Dès sa parution, le roman se fait attaquer et critiquer pour immoralité et obscénité. Gustave Flaubert est accusé pour outrage aux bonnes mœurs, peu de temps après que le roman apparaît en librairie. On le critique pour son réalisme vulgaire et souvent choquant. C’est entre autres la raison pour laquelle Flaubert doit se justifier devant un tribunal, en raison de son style réaliste et sincère et de la banalisation de l’adultère ou du suicide de Madame Bovary. Son œuvre fait ainsi scandale à son époque, où ces thèmes impertinents ne font pas partie des discussions quotidiennes. La signification de Flaubert et de son roman le plus célèbre Madame Bovary se manifeste d’une part à travers le syndrome de Madame Bovary, aussi nommé le bovarysme, qui représente la recherche de l’amour idéal. D’autre part, trois adaptations cinématographiques sont réalisées en 1949, 1991 et 2014, présentant ce roman au grand public. Cela montre que même de nos jours, le thème demeure pertinent et que ce roman reste un classique.