par Victoria B. et Selen Y.
- 1) Biographie
- 2) Incendies (2003)
- 3) Analyse: Incendies
- 4) Test de connaissance
- 5) Exercice d’analyse no. 1
- 6) Exercice d’analyse no.2
1) Biographie
Wajdi Mouawad est un auteur francophone, un Canadien d’origine libanaise. Il passe son enfance au Liban. En 1976, sa famille immigre en France, puis au Canada (Québec) en 1983. Après avoir terminé sa formation d’acteur à l’École Nationale du Théâtre au Canada, il fonde un théâtre à Montréal. Sa carrière d’auteur et de réalisateur commence au Théâtre „O Parleur“. Il y met en scène ses propres textes qui sont publiés par l’éditeur Leméac (Actes Sud/Papiers). Wajdi Mouawad écrit beaucoup d’œuvres intéressantes et importantes. Par exemple en 1992, sa pièce Journée de noces chez les Cromagnons est jouée à Montréal. En 2017, il aborde le conflit au Moyen-Orient à travers son œuvre Tous des oiseaux.
Une de ses pièces les plus importantes est le drame Incendies, qu’il crée en 2003. Toutes ses œuvres abordent ses origines et les problèmes du Moyen-Orient. En 2012, il publie son premier roman Anima, dans lequel il est question d’un meurtre dont les seuls témoins sont des animaux. De plus, Mouawad écrit des livres pour enfants comme Pacamambo et Un obus dans le cœur. Mouawad est également engagé socialement. Il a mené divers projets éducatifs avec des jeunes. Depuis 2016, il est directeur du Théâtre National de la Colline à Belleville, Paris.
2) Incendies (2003)
Celui qui tente de trouver son origine est comme ce marcheur au milieu du désert qui espère trouver, derrière chaque dune, une ville. Mais chaque dune en cache une autre et la fuite est sans issue. Raconter une histoire nous impose donc de choisir un début. Et nous, notre début, c’est peut-être la mort de cette femme qui, il y a longtemps déjà, a décidé de se taire et n’a plus jamais rien dit […]. Incendies est alors l’histoire de trois histoires qui cherchent leur début, de trois destins qui cherchent leur origine pour tenter de résoudre l’équation de leur existence et tenter de trouver, derrière la dune la plus sombre, la source de beauté.[1]
En 2003, Wajdi Mouawad a créé le drame Incendies. C’est le deuxième volet d’une tétralogie qui est intitulé Le Sang des promesses, sans être cependant une suite narrative du premier volet Littoral. Dans ses pièces, Mouawad discute de sujets d’actualité socialement pertinents tels que la migration, l’origine et l’humanité, et ses spectacles sont caractérisés par un style post-dramatique. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus importants dramaturges et auteurs de la littérature francophone moderne. La pièce traite des sujets caractéristiques pour la littérature de l’exil.#
2.1 Contenu
La pièce aborde de nombreux thèmes différents, notamment l’horreur de la guerre civile au Liban, le traumatisme, le mystère de l’origine et la réconciliation avec le passé. Au centre de la pièce se trouve le personnage de Nawal Marwan, la mère des jumeaux Jeanne et Simon. Dans ses dernières volontés, elle envoie ses deux enfants à la recherche de leur père inconnu et de leur frère, dont les jumeaux n’avaient pas connaissance. Avec l’aide du notaire Hermile Lebel, Jeanne et Simon se mettent à la recherche du passé de leur mère décédée et ils découvrent peu à peu le mystère de leur origine. Nawal a grandi au Liban. À l’âge de 14 ans, elle rencontre son grand amour et tombe enceinte. Sa famille est contre leur union et sépare Nawal de son amant. Son fils Nihad est emmené loin d’elle. La seule chose que Nawal peut lui donner en signe d’amour est un nez de clown rouge. Dans les années suivantes, en essayant de retrouver son fils, elle est prise entre les fronts de la guerre civile libanaise et elle fait l’expérience directe des crimes de guerre. À l’âge de 40 ans, emprisonnée à Kfar Rayat pour avoir tué un chef de milice, elle tombe enceinte une deuxième fois après avoir été violée par un de ses bourreaux, Abou Tarek. On la remet en liberté et elle s’enfuit au Québec, où elle élève les jumeaux. Lentement mais sûrement, Jeanne et Simon comprennent le traumatisme de leur mère et finalement les vérités sur leur père et sur leur frère.
2.2 Adaptations
En 2011, le drame de Mouawad a été adapté au cinéma par le directeur québécois Denis Villeneuve sous le titre Incendies. En Allemagne, il porte le sous-titre La femme qui chante. Le film a été nommé aux Oscars pour le prix du meilleur film en langue étrangère et il a été bien accueilli par la critique et par les spectateurs. L’adaptation cinématographique reste très proche de la pièce originale de Wajdi Mouawad. Mais il y a des changements dans la mise en scène des différentes temporalité. Les possibilités visuelles du film permettent de dépeindre la proximité des événements, même sur une période de plusieurs décennies, sans que des personnages du passé et du présent n’apparaissent dans la même scène, comme cela est le cas dans la pièce.
Références biliographiques:
- Courtois, Lorence & Simon, Mary: „Incendies“ de Wajdi Mouawad, source: https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/incendies-de-wajdi-mouawad-0 [26.04.2020]
3) Analyse: Incendies
Il y a plusieurs manières d’analyser un drame comme Incendies. Nous pourrions par exemple l’analyser avec un accent sur la forme et sous le prétexte que la pièce rompt avec la forme classique de la tragédie selon Aristote. Mais pour l’œuvre de Wajdi Mouawad, qui évoque de manière répétitive le sujet du traumatisme et de l’identité (voir aussi l’article sur la biographie de Mouawad et la littérature de l’exil), une approche psychanalytique est beaucoup plus productive afin d’analyser les motifs centraux du drame. Dans cette analyse, nous suivons donc la structure et la méthodique d’une approche théorique qui s’appuie principalement sur les théories psychanalytiques de Sigmund Freud. Selon Freud, deux instances s’opposent dans l’esprit de l’homme : le conscient et l’inconscient. L’inconscient est la partie que l’homme n’est pas capable de contrôler. Il s’agit de tout ce que le « Je » refoule et de ses pulsions. Un autre antonyme psychanalytique oppose la réalité et la fiction. Dans l’analyse suivante d’un extrait du drame Incendies, nous mettrons en évidence les motifs principaux et nous les examinerons de plus près en nous référant aux principes psychanalytiques mentionnés.
La deuxième et la troisième scène du premier acte du drame, intitulées « Dernières volonté » et « Théories des graphes et vision périphérique » introduisent les personnages de Jeanne et Simon et le conflit du drame, qui est déclenché par la mort de Nawal. Nous apprenons que Nawal n’a jamais parlé à ses deux enfants Simon et Jeanne de son passé au Liban et de son traumatisme et qu’elle s’est même tue complètement les cinq dernières années de sa vie. La rupture interne qu’a signifiée pour elle l’ exil est restée inconsciente et indicible. Elle n’a pu en parler à personne. Ce n’est qu’après sa mort qu’elle commence à communiquer avec les jumeaux de manière diachronique, notamment par des lettres. La recherche de son identité et aussi de l’identité de ses enfants devient l’héritage de Nawal. D’après Freud, l’homme cherche son identité et « l’identité est ce qui reste toujours identique : le «Je». Il s’agirait dès lors de chercher l’identique dans la différence, de rechercher l’identité dans des doubles, des personnages fictifs ».[1] Le motif du double se trouve dans Incendies par la présence des jumeaux. Tous les deux partagent une même origine, ils font face à la même problématique d’identité, mais ils choisissent de traiter cette problématique de manière très différente. Simon choisit d’ignorer que sa mère a « brisé le silence » tandis que Jeanne veut savoir ce qui s’est passé. Ils sont les deux faces de la même pièce. C’est ce que nous observons particulièrement bien dans la scène trois, quand Wajdi Mouawad présente au spectateur les jumeaux dans leurs espaces habituels. Simon, le boxeur, est en train de boxer dans une salle de sport pendant que, parallèlement, Jeanne enseigne la haute-mathématique dans une salle à l’université. « La scène en effet se double et se dédouble, gémellaire, à partir des personnages des jumeaux […] [et elle fait apparaître] tous les décrochages à venir […] comme un double, un miroir ou une hantise de la scène ». [2] Le motif du double se retrouve aussi dans les deux pays (le Québec et le Liban), les deux temps (le passé et le présent) et les différents langues présente (Le français/le québécois et l’anglais). Simon incarne ce mélange de langue car il utilise de temps en temps l’anglais pour s’exprimer et pour renforcer sa colère (« Big deal » [3]; « You bet »[4]) ou des expressions québécoises (« Tabernak »[5]).
En recherchant leurs origines, les jumeaux sont tout à coup rattrapés par l’histoire de leur mère et, pour résoudre l’énigme, il faut qu’ils retracent la vie de leur mère. C’est une compulsion de répétition. En psychanalyse, Freud évoque les limites de l’exil. Géographiquement, il n’est pas possible de fuir son traumatisme inconscient. Mais la répétition est un moyen de rejouer l’exil afin de le réactualiser et de mieux le comprendre. Mouawad utilise quatre formes différentes de répétitions dans Incendies, que l’on retrouve notamment dans les scènes 17 et 18 intitulées « Orphelinat de Kfar Rayat » et « Photographie et autobus du Sud ». Il y a d’abord des répétitions d’action. Jeanne achète un billet d’avion pour se mettre à la recherche du passé de sa mère et en même temps sur scène, Nawal achète un billet d’autobus pour se mettre à la recherche du passé de Nihad. La répétition des actions du passé dans le présent se manifeste dans l’unité des espaces de temporalités différentes sur scène. Puis, il y a la répétition narrative. Des phrases-clés se répètent pendant le drame. « Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux » »[6], dit Nawal plusieurs fois et Jeanne le répète des années plus tard.[7] « La parole remplit donc également l’office d’embrayeur, abolissant la distance entre les personnages et tissant les scènes par les mots de Wahab qui le premier dans la fiction les prononce ».[8] Le médecin dans la scène 17 rappelle/évoquereflète le déroulement de la guerre civile au Liban. En intégrant et répétant aussi des évènements historiques comme cette guerre civile, Mouawad crée des frontières floues entre le réel et la fiction. Finalement, le drame nous offre des répétitions intertextuelles. En dissolvant l’identité commune du père et du frère des jumeaux, Mouawad offre une variation sur le thème d’Œdipe et place le traumatisme de Nawal dans une tradition plus ancienne.
Les répétitions de mots, d’évènements et d’actions, la concordance du passé et du présent sur scène, le motif du double … l’écriture d’Incendies permet à Wajdi Mouawad de rejouer son propre traumatisme sur scène. Il s’agit d’un travail presque autobiographique. « Son parcours personnel est donc marqué par l’exil, le déracinement et son corollaire, l’abandon de sa langue maternelle pour une autre langue. Wajdi Mouawad perd également sa mère encore adolescent ».[9] Le personnage de la mère, souvent le personnage qui meurt au début des drames de Wajdi Mouawad et qui introduit le conflit, symbolise le pays maternel, le pays et la langue natale de l’écrivain. La mort de Nawal et le sentiment de ne l’avoir pas connue, représente donc la distance des origines au Liban non seulement des jumeaux, mais aussi de Wajdi Mouawad lui-même. Le déplacement ou le transfert de l’exil dans la fiction, par le jeu en le jouant sur scène, peut permettre d’« enrayer la compulsion de répétition » [10] et de réconcilier le passé avec le présent. Wajdi Mouawad parle d’une « consolation impitoyable »[11] que la réalisation d’Incendies et le processus de l’écrire lui ont donnée.
Références bibliographiques
- Desiderio, Pauline : L’exil et la répétition dans l’œuvre de Wajdi Mouawad, quelles limites et frontières ?, dans: http://www.esquisses.eu/revue/wp-content/uploads/2017/04/Lexil-et-la-re%CC%81pe%CC%81tition-Pauline-DesiderioEsquisses-1.pdf, p. 6 (28.04.2020).
- Coissard, Francoise (2014) : Wajdi Mouawad. Incendies. Études critique. Paris : Éditions champion, p. 69.
- Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p.21.
- Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p. 19.
- Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, pp. 21, 23.
- Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition, Montréal : Leméac Éditeur, pp. 63,24.
- Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p. 63.
- Coissard, Francoise (2014) : Wajdi Mouawad. Incendies. Études critique. Paris : Éditions champion, p. 71.
- Rubira, Virginie (2014) : Les mythes dans le théâtre de Wajdi Mouawad et Caya Makhélé. Paris : Éditions Acoria, p. 95.
- Desiderio, Pauline : L’exil et la répétition dans l’œuvre de Wajdi Mouawad, quelles limites et frontières ?, dans: http://www.esquisses.eu/revue/wp-content/uploads/2017/04/Lexil-et-la-re%CC%81pe%CC%81tition-Pauline-DesiderioEsquisses-1.pdf, p. 10 (28.04.2020).
- Mouawad, Wajdi (2009) : Incendies. Le sang des promesses. 2e édition. Montréal : Leméac Éditeur, p.10.
4) Test de connaissance
Testez vos connaissances:
5) Exercice d’analyse no. 1
un exercice par Selen Y.
La scène 2 montre la rencontre entre le notaire Hermile Lebel et les jumeaux. En présence de Simon et Jeanne, Hermile Lebel proclame le testament que Nawal (la mère des jumeaux) leur a laissé. De ce fait, Simon et Jeanne apprennent l’existence d’un frère et d’un père, qui semble être encore en vie. Nawal décrit exactement comment elle veut être enterrée. Hermile Lebel a été nommé exécuteur testamentaire de Nawal Marwan.
Lisez l’extrait « le notaire ouvre l’enveloppe » (p. 16), puis répondez aux questions suivantes:
6) Exercice d’analyse no. 2
un exercice par Victoria B.
Après avoir lu l’exemple de l’analyse psychanalytique, lisez le petit extrait de la scène 19 « Les pelouse de banlieue » (p.73) et la scène 20 « Le cœur du polygone » (p.73-74) et répondez aux questions suivantes.
💡 L’extrait dans le contexte du drame: Le notaire Hermile Lebel vient de raconter à Jeanne et Simon, pourquoi leur mère Nawal avait une phobie des autobus : Pendant sa recherche de son fils Nihad au Liban, Nawal a été prise entre les deux fronts de la guerre civile lorsque des milices ont arrêté un autobus rempli de réfugiés et ont abattu et brûlé tous les passagers, y compris une mère et son enfant. Nawal n’a pu s’échapper qu’en s’identifiant comme non-réfugiée. Mais elle a vécu l’incendie de l’autobus de près et elle s’en souvient encore des décennies plus tard, quand elle partage ses mémoires avec Lebel.
Pour Jeanne cette histoire du passé de sa mère est le déclencheur de son départ au Liban pour rechercher la vérité sur le passé de sa mère.